J’ai expliqué (dans le Scol. de la Propos.) en quoi consiste l’idée d’une idée. Mais il faut remarquer que la précédente proposition est, de soi, assez évidente. Il n’est personne, en effet, qui, ayant une idée vraie, ignore qu’une idée vraie enveloppe la certitude ; car qu’est-ce qu’avoir une idée vraie ? c’est connaître parfaitement, ou aussi bien que possible, une chose. On ne peut donc nous contredire ici, à moins de s’imaginer qu’une idée est une chose muette et inanimée, comme une peinture, et non un mode de la pensée, et l’acte même du penser. D’ailleurs, je le demande, qui peut savoir qu’il comprend une certaine chose, si déjà il ne l’a comprise ? En d’autres termes, si déjà vous n’êtes certain d’une chose, comment pouvez-vous savoir que vous en êtes certain ? Et puis, quelle règle de vérité trouvera-t-on plus claire et plus certaine qu’une idée vrai ? Certes, de même que la lumière se montre soi-même et avec soi montre les ténèbres, ainsi la vérité est à elle-même son criterium et elle est aussi celui de l’erreur.
Cela suffit, à mon avis, pour répondre à tout cet ordre de questions. Si, en effet, une idée vraie ne se distingue d’une idée fausse que par sa convenance avec son objet, il en résulte donc qu’une idée vraie ne surpasse pas une idée fausse en réalité et en perfection (du moins quand on ne considère que leurs dénominations intrinsèques), et il y a la même égalité de perfection entre un homme qui a des idées vraies et celui qui en a de fausses. De plus, d’où vient que les hommes ont des idées fausses ? Enfin, comment un homme saura-t-il qu’il a des idées qui sont d’accord avec leurs objets ? Pour moi, je répète que je crois avoir déjà répondu à ces questions ; car, pour ce qui est de la différence entre une idée vraie et une idée fausse, il résulte de la Propos. 35, que celle-là est par rapport à celle-ci comme l’être au non-être. Quant aux causes de la fausseté des idées, je les ai expliquées (depuis la Propos. 19 jusqu’à la Propos. 35 avec son Scolie), et cela de la manière la plus claire. On voit aussi par ces principes la différence qui sépare l’homme qui a des idées vraies et celui qui n’a que des idées fausses. Reste le dernier point que j’ai touché : comment un homme pourra-t-il savoir qu’il a une idée vraie, laquelle s’accorde avec son objet ? Or, j’ai expliqué plus que suffisamment tout à l’heure que l’on devra savoir qu’on a une telle idée par cela seul qu’on aura cette même idée, la vérité étant d’elle-même son propre signe. Ajoutez à cela que notre âme, en tant qu’elle perçoit les choses suivant leur vraie nature, est une partie de l’entendement infini de Dieu (par le Corollaire de la Propos. 11) ; par conséquent, il est nécessaire que les idées claires et distinctes de notre âme soient vraies comme celles de Dieu même.