En Grande-Bretagne, un employé de la chaîne de librairies Warestone’s a pris la porte après s’être moqué de son patron sur son blog. En France, Catherine Sanderson, secrétaire du cabinet d’experts-comptables britannique Dixon Wilson, relatait sur petiteanglaise quelques anecdotes survenues sur son lieu de travail. Le 26 avril, elle a reçu une lettre de licenciement pour "faute professionnelle grave".
Stéphanie Gonier, ancienne responsable de "l’identité visuelle" du constructeur automobile Nissan, est plongée dans un véritable tourbillon judiciaire depuis qu’elle a lancé son blog à charge contre son ex-employeur.

NISSAN MULTIPLIE LES PROCÉDURES

La jeune femme n’a pas apprécié de se faire placardiser à son retour de congé maternité en septembre 2004. Elle dénonce la stratégie d’usure de son employeur. "Je n’avais plus de poste, plus de bureau, plus de chaise. J’ai passé un mois et demi à être payée à ne rien faire, raconte-t-elle. On m’a proposé un poste d’assistante. Rien à voir avec le statut qui était le mien avant ma maternité. Puis on m’a proposé un poste à responsabilité... pour lequel je devais voyager chaque semaine et hypothéquer ma vie familiale. Jeune maman, je ne pouvais accepter ce poste." Nissan la licencie pour faute grave.
Le jeune femme encaisse son licenciement comme une injustice. "Mes courriers à l’inspection du travail et à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité n’ont rien donné de tangible." Pour elle, c’est évident, sa mise à l’écart est due à sa maternité. Elle attaque Nissan devant le tribunal des prud’hommes fin 2004. Mais la lenteur de la justice et les procédures renvoient son dossier pour un examen le 27 février 2007.
Cette lenteur, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. "Attendre 2007 ! Et si Nissan fait appel, il me faudra attendre encore dix-huit mois de plus pour que l’on reconnaisse cette injustice !", s’emporte la jeune maman. Elle n’attend pas, et publie début 2006 son histoire sur Internet. Une histoire qu’elle illustre de documents internes pour prouver sa version des faits.
Nissan n’apprécie pas le déballage et obtient lors d’un jugement en référé le retrait des patronymes cités dans son blog. Trois semaines plus tard, le constructeur repart à la charge pour injures et diffamation. "C’est vrai, reconnaît Stéphanie Gonier, j’ai écrit que le DRH était un menteur et un manipulateur, et que la parité n’était pas appliquée au sein de Nissan." La maman s’exécute et enlève les propos jugés injurieux.

"DES MÈRES POUSSÉES VERS LA SORTIE"

Mais le constructeur ne desserre pas les crocs et attaque la blogueuse au civil pour injures et diffamation publique. Lundi 16 octobre, le tribunal a condamné Stéphanie Gonier à verser 1 euro à Nissan, 500 au directeur des ressources humaines de l’entreprise, 100 euros aux six salariés qui s’estimaient diffamés.
Le blog Maman chez Nissan Europe, parité bafouée est toujours en ligne, la justice n’ayant pas demandé sa fermeture. Stéphanie Gonier peut continuer de faire connaître sa bataille. Si le constructeur souhaitait discrètement traiter l’affaire, c’est raté. La jeune femme s’étonne de l’impact médiatique de ses pages. "Je reçois beaucoup de soutien, même de l’étranger. Des femmes qui comme moi sont poussées vers la sortie dès qu’elles deviennent mères."
En attendant son prochain rendez-vous judiciaire aux prud’hommes avec Nissan, Stéphanie Gonier est en quête d’un nouvel emploi, "dans une société qui cherche un responsable marketing compétent et tenace". "Tenace", une qualité que reconnaîtra certainement son ancien employeur.