EI - Proposition 33 - scolie 1
Ayant montré par ce qui précède, plus clairement que la lumière du jour, qu’il n’existe absolument rien dans les choses, à cause de quoi elles puissent être dites contingentes, je veux maintenant expliquer en quelques mots ce que nous devons entendre par Contingent, et d’abord ce que nous devons entendre par Nécessaire et Impossible. Une chose est dite nécessaire soit par rapport à son essence, soit par rapport à sa cause. Car l’existence d’une chose suit nécessairement ou bien de son essence et de sa définition ou bien d’une cause efficiente donnée. C’est pour les mêmes causes qu’une chose est dite impossible ; ou bien en effet c’est parce que son essence ou définition enveloppe une contradiction, ou bien parce que nulle cause extérieure n’est donnée, qui soit déterminée de façon à produire cette chose. Pour nulle autre cause maintenant une chose n’est dite contingente, sinon eu égard à un manque de connaissance en nous ; car une chose dont nous ignorons que l’essence enveloppe contradiction, ou de laquelle nous savons bien qu’elle n’enveloppe aucune contradiction, sans pouvoir rien affirmer avec certitude de son existence, parce que nous ignorons l’ordre des causes, une telle chose, dis-je, ne peut jamais nous apparaître ni comme nécessaire ni comme impossible et, par suite, nous l’appelons contingente ou possible. [*]
Quoniam his luce meridiana clarius ostendi nihil absolute in rebus dari propter quod contingentes dicantur, explicare jam paucis volo quid nobis per contingens erit intelligendum sed prius quid per necessarium et impossibile. Res aliqua necessaria dicitur vel ratione suæ essentiæ vel ratione causæ. Rei enim alicujus existentia vel ex ipsius essentia et definitione vel ex data causa efficiente necessario sequitur. Deinde his etiam de causis res aliqua impossibilis dicitur ; nimirum quia vel ipsius essentia seu definitio contradictionem involvit vel quia nulla causa externa datur ad talem rem producendam determinata. At res aliqua nulla alia de causa contingens dicitur nisi respectu defectus nostræ cognitionis. Res enim cujus essentiam contradictionem involvere ignoramus vel de qua probe scimus eandem nullam contradictionem involvere et tamen de ipsius existentia nihil certo affirmare possumus propterea quod ordo causarum nos latet, ea nunquam nec ut necessaria nec ut impossibilis videri nobis potest ideoque eandem vel contingentem vel possibilem vocamus.
[*] (Saisset) : Puisqu’il est aussi clair que le jour, par ce que je viens de dire, qu’il n’y a absolument rien dans les choses qui les doive faire appeler contingentes, je veux expliquer ici en peu de mots ce qu’il faut entendre par un contingent ; mais il convient auparavant de définir le nécessaire et l’impossible. Une chose est dite nécessaire, soit sous le rapport de son essence, soit sous le rapport de sa cause. Car l’existence d’une chose résulte nécessairement, soit de son essence ou de sa définition, soit d’une cause efficiente donnée. C’est aussi sous ce double rapport qu’une chose est dite impossible, soit que son essence ou sa définition implique contradiction, soit qu’il n’existe aucune cause extérieure déterminée à la produire. Mais une chose ne peut être appelée contingente que relativement au défaut de notre connaissance. Quand nous ignorons en effet si une certaine chose implique en soi contradiction, ou bien quand, sachant qu’il n’y a aucune contradiction dans son essence, nous ne pouvons toutefois rien affirmer sur son existence parce que l’ordre des causes nous est caché, alors cette chose ne peut nous paraître nécessaire ni impossible, et nous l’appelons à cause de cela contingente ou possible.