EIII - Proposition 55


Quand l’Âme imagine son impuissance, elle est contristée par cela même.

DÉMONSTRATION

L’essence de l’Âme affirme cela seulement que l’Âme est et peut, autrement dit il est de la nature de l’Âme d’imaginer seulement ce qui pose sa puissance d’agir (Prop. préc.). Quand donc nous disons que l’Âme, tandis qu’elle se considère elle-même, imagine son impuissance, nous ne disons rien d’autre sinon que, tandis que l’Âme s’efforce d’imaginer quelque chose qui pose sa puissance d’agir, cet effort qu’elle fait est réduit, autrement dit (Scolie de la Prop. 11) qu’elle est contristée. C.Q.F.D. [*]


Cum mens suam impotentiam imaginatur, eo ipso contristatur.

DEMONSTRATIO :

Mentis essentia id tantum quod mens est et potest, affirmat sive de natura mentis est ea tantummodo imaginari quæ ipsius agendi potentiam ponunt (per propositionem præcedentem). Cum itaque dicimus quod mens dum se ipsam contemplatur, suam imaginatur impotentiam, nihil aliud dicimus quam quod dum mens aliquid imaginari conatur quod ipsius agendi potentiam ponit, hic ejus conatus coercetur sive (per scholium propositionis 11 hujus) quod ipsa contristatur. Q.E.D.

[*(Saisset :) Lorsque l’âme se représente sa propre impuissance, elle est par là même attristée. Démonstration L’essence de l’âme exprime seulement ce que l’âme est et ce qu’elle peut : en d’autres termes, il est de la nature de l’âme de se représenter seulement les choses qui posent sa puissance d’action (par la Propos. précéd.). Lors donc que nous disons que l’âme, en s’apercevant soi-même, se représente son impuissance, nous ne disons rien autre chose sinon que l’âme, quand elle s’efforce de se représenter quelque chose qui pose sa puissance d’agir, sent cet effort empêché ; en d’autres termes (par le Scol. de la Propos. 11), elle est attristée. C. Q. F. D.