EIII - Proposition 9 - scolie


Cet effort, quand il se rapporte à l’Âme seule, est appelé Volonté ; mais, quand il se rapporte à la fois à l’Âme et au Corps, est appelé Appétit ; l’appétit n’est par là rien d’autre que l’essence même de l’homme, de la nature de laquelle suit nécessairement ce qui sert à sa conservation ; et l’homme est ainsi déterminé à le faire. De plus, il n’y a nulle différence entre l’Appétit et le Désir, sinon que le Désir se rapporte généralement aux hommes, en tant qu’ils ont conscience de leurs appétits et peut, pour cette raison, se définir ainsi : le Désir est l’Appétit avec conscience de lui-même. Il est donc établi par tout cela que nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n’appétons ni ne désirons aucune chose, parce que nous la jugeons bonne ; mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons. [*]


Hic conatus cum ad mentem solam refertur, voluntas appellatur sed cum ad mentem et corpus simul refertur, vocatur appetitus, qui proinde nihil aliud est quam ipsa hominis essentia ex cujus natura ea quæ ipsius conservationi inserviunt, necessario sequuntur atque adeo homo ad eadem agendum determinatus est. Deinde inter appetitum et cupiditatem nulla est differentia nisi quod cupiditas ad homines plerumque referatur quatenus sui appetitus sunt conscii et propterea sic definiri potest nempe cupiditas est appetitus cum ejusdem conscientia. Constat itaque ex his omnibus nihil nos conari, velle, appetere neque cupere quia id bonum esse judicamus sed contra nos propterea aliquid bonum esse judicare quia id conamur, volumus, appetimus atque cupimus.

[*(Saisset :) Cet effort, quand il se rapporte exclusivement à l’âme, s’appelle volonté ; mais quand il se rapporte à l’âme et au corps tout ensemble, il se nomme appétit. L’appétit n’est donc que l’essence même de l’homme, de laquelle découlent nécessairement toutes les modifications qui servent à sa conservation, de telle sorte que l’homme est déterminé à les produire. De plus, entre l’appétit et le désir il n’y a aucune différence, si ce n’est que le désir se rapporte la plupart du temps à l’homme, en tant qu’il a conscience de son appétit ; et c’est pourquoi on le peut définir de la sorte : Le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même. Il résulte de tout cela que ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas qu’on ait jugé qu’une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu’une chose est bonne par cela même qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit le désir.