EIV - Proposition 46 - scolie


Qui veut venger ses offenses par une Haine réciproque, vit assurément misérable. Qui, au contraire, cherche à combattre victorieusement la Haine par l’Amour, combat certes dans la joie et la sécurité, résiste aussi facilement à plusieurs qu’à un seul et a besoin moins que personne du secours de la fortune. Pour ceux qu’il vainc la défaite est joyeuse, car ils ne sont point vaincus par manque de force, mais par une croissance de leurs forces ; tout cela suit si clairement des seules définitions de l’Amour et de l’Entendement qu’il n’est pas besoin d’en faire l’objet de démonstrations particulières. [*]


Qui injurias reciproco odio vindicare vult, misere profecto vivit. At qui contra studet odium amore expugnare, ille sane lætus et secure pugnat ; æque facile pluribus hominibus ac uni resistit et fortunæ auxilio quam minime indiget. Quos vero vincit, ii læti cedunt, non quidem ex defectu sed ex incremento virium ; quæ omnia adeo clare ex solis amoris et intellectus definitionibus sequuntur ut opus non sit eadem sigillatim demonstrare.

[*(Saisset :) Celui qui veut venger ses injures en rendant haine pour haine ne peut manquer d’être malheureux. Celui au contraire qui s’efforce de combattre la haine par l’amour trouve dans ce combat la joie et la sécurité. Il résiste avec une légale facilité à un seul homme et à plusieurs, et a moins besoin que personne du secours de la fortune. Ceux qu’il parvient à vaincre, il les laisse joyeux, avec une augmentation de force au lieu d’un affaiblissement : toutes choses qui résultent si clairement des seules définitions de l’amour et de l’entendement, qu’il est inutile d’en donner une démonstration spéciale.