EIV - Proposition 50 - scolie


Qui sait droitement que tout suit de la nécessité de la nature divine et arrive suivant les lois et règles éternelles de la Nature, ne trouvera certes rien qui soit digne de Haine, de Raillerie ou de Mépris, et il n’aura de commisération pour personne ; mais autant que le permet l’humaine vertu, il s’efforcera de bien faire, comme on dit, et de se tenir en joie. A cela s’ajoute que celui qui est facilement affecté de Commisération et ému par la misère ou les larmes d’autrui, fait souvent quelque chose de quoi plus tard il se repent : d’une part, en effet, nous ne faisons rien sous le coup d’une affection que nous sachions avec certitude être bon, de l’autre nous sommes facilement trompés par de fausses larmes. Et je parle ici expressément de l’homme qui vit sous la conduite de la Raison. Pour celui qui n’est mû ni par la Raison ni par la Commisération à être secourable aux autres, on l’appelle justement inhumain, car (Prop. 27, p. III) il ne paraît pas ressembler à un homme. [*]


Qui recte novit omnia ex naturæ divinæ necessitate sequi et secundum æternas naturæ leges et regulas fieri, is sane nihil reperiet quod odio, risu aut contemptu dignum sit nec cujusquam miserebitur sed quantum humana fert virtus, conabitur bene agere ut aiunt et lætari. Huc accedit quod is qui commiserationis affectu facile tangitur et alterius miseria vel lacrimis movetur, sæpe aliquid agit cujus postea ipsum pœnitet tam quia ex affectu nihil agimus quod certo scimus bonum esse quam quia facile falsis lacrimis decipimur. Atque hic expresse loquor de homine qui ex ductu rationis vivit. Nam qui nec ratione nec commiseratione movetur ut aliis auxilio sit, is recte inhumanus appellatur. Nam (per propositionem 27 partis III) homini dissimilis esse videtur.

[*(Saisset :) Celui qui a bien compris que toutes choses résultent de la nécessité de la nature divine, et se font suivant les lois et les règles éternelles de la nature, ne rencontrera jamais rien qui soit digne de haine, de moquerie ou de mépris, et personne ne lui inspirera jamais de pitié ; il s’efforcera toujours au contraire, autant que le comporte l’humaine vertu, de bien agir et, comme on dit, de se tenir en joie. J’ajoute que l’homme qui est aisément touché de pitié et remué par la misère ou les larmes d’autrui agit souvent de telle sorte qu’il en éprouve ensuite du regret ; ce qui s’explique, soit parce que nous ne faisons jamais le bien avec certitude quand c’est la passion qui nous conduit, soit encore parce que nous sommes aisément trompés par de fausses larmes. Il est expressément entendu que je parle ici de l’homme qui vit selon la raison. Car si un homme n’est jamais conduit, ni par la raison, ni par la pitié, à venir au secours d’autrui, il mérite assurément le nom d’inhumain, puisqu’il ne garde plus avec l’homme aucune ressemblance (par la Propos. 27, part. 3).