EIV - Proposition 66 - scolie


Rapprochant ce qui précède de ce que nous avons dit dans cette Partie jusqu’à la Proposition 18 au sujet des forces des affections, nous verrons facilement en quoi un homme conduit par l’affection seule ou l’opinion diffère d’un homme conduit par la Raison. Le premier, qu’il le veuille ou non, ne sait en aucune façon ce qu’il fait ; le second n’a à plaire qu’à lui-même et fait seulement ce qu’il sait qui tient la première place dans la vie et qu’il désire le plus pour cette raison ; j’appelle en conséquence le premier serf, le second libre, et je veux faire ici quelques observations encore sur la complexion de ce dernier et sa règle de vie. [*]


Si igitur hæc cum iis conferantur quæ in hac parte usque ad propositionem 18 de affectuum viribus ostendimus, facile videbimus quid homo qui solo affectu seu opinione homini qui ratione ducitur, intersit. Ille enim velit nolit ea quæ maxime ignorat, agit ; hic autem nemini nisi sibi morem gerit et ea tantum agit quæ in vita prima esse novit quæque propterea maxime cupit et ideo illum servum, hunc autem liberum voco, de cujus ingenio et vivendi ratione pauca adhuc notare libet.

[*(Saisset :) Si l’on veut comparer ce qui précède avec les principes établis dans cette même partie jusqu’à la Propos 18 touchant la force des passions, on verra aisément la différence entre un homme qui se laisse gouverner par la seule passion et par l’opinion, et celui que la raison conduit. Le premier, en effet, qu’il le veuille ou non, agit sans savoir ce qu’il fait ; le second n’obéit qu’à lui-même., et ne fait rien qu’en sachant ce qu’il y a de mieux à faire dans la vie et ce qu’il désire le plus. C’est pourquoi je dis que le premier est un esclave et le second un homme libre. Mais j’ai encore un petit nombre de remarques à ajouter sur le caractère et la manière de vivre de l’homme libre.