"Joie et liberté chez Bergson et Spinoza", par Lionel Astesiano
En affirmant que « tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza », Bergson exprime avant tout que le philosophe se doit de rompre avec une pensée dogmatique qui n’a plus lieu d’être et que Spinoza incarne tout particulièrement. Le spinozisme manifeste la pente de l’intelligence lorsqu’elle suit sa logique propre sans être rectifiée par le recours à l’expérience. Or, c’est cette démarche systématique que la philosophie doit désormais abandonner.
Bergson est néanmoins hanté par la pensée de Spinoza et le rapport qu’il entretient avec lui, en particulier dans ses cours au Collège de France, met en évidence un lien bien plus complexe et subtil qu’un simple rapport d’opposition. Contre la tendance à la clôture et à la systématicité, Bergson va alors privilégier chez Spinoza la tendance à l’ouverture et au mysticisme. En mettant en lumière cet aspect, cet ouvrage montre la sympathie intellectuelle qui réunit ces penseurs autour des notions de joie et de liberté. C’est pourquoi la figure du Christ va constituer un modèle non seulement éthique mais ontologique. Le terme de mysticisme, chez ces deux auteurs, ne désigne ni le refus de l’expérience ni celui des sciences positives mais renvoie à un rationalisme élargi jusqu’à l’amour du réel.