PPD - II - Proposition 16
Tout corps qui est mû circulairement, comme par exemple une pierre dans une fronde, est constamment déterminé à continuer de se mouvoir suivant la tangente.
Démonstration
Un corps qui est mû circulairement est constamment empêché par une force extérieure de continuer à se mouvoir suivant une ligne droite (par le Corollaire de la Proposition précédente) ; si cette action venait à s’interrompre le corps continuerait de lui-même à se mouvoir suivant une ligne droite (par la Proposition 15). Je dis, en outre, qu’un corps qui est mû circulairement est déterminé par une cause extérieure à se mouvoir selon la tangente.
Si on le nie, en effet, qu’on suppose, par exemple, en B une pierre déterminée par une fronde à se mouvoir non suivant la tangente BD, mais suivant une autre droite partant du même point et comprise ou non comprise dans le cercle, soit BF quand la fronde viendra de L vers B ; ou BG (que je connais qui fait avec le diamètre BH un angle égal à l’angle FBH) si au contraire on suppose que la fronde vient de C en B Si la pierre est au point B supposée déterminée par la fronde allant de L en B à continuer de se mouvoir vers F, il est nécessaire (par l’Axiome 18) quand la fronde par une détermination opposée viendra de C vers B, que la pierre soit déterminée à continuer de se mouvoir suivant la même ligne droite et, par suite, vers K non vers G, ce qui est contre l’hypothèse. Et comme [1] aucune ligne pouvant être menée par le point B, sauf la tangente, ne peut être supposée faire avec la ligne B deux angles égaux comme DBH et ABH, aucune ligne autre que la tangente ne peut s’accorder avec l’hypothèse, soit que la fronde aille de L en B ou de C en B ; et, par suite, on ne peut admettre d’autre ligne suivant laquelle la pierre puisse tendre à se mouvoir.
C.Q.F.D.
Autre Démonstration
Soit conçu à la place d’un cercle un hexagone ABH inscrit dans un cercle et un corps C au repos en l’un des côtés AB de l’hexagone ; soit ensuite une règle DBE (dont je suppose une extrémité fixe au centre D, et l’autre mobile) se mouvant autour du centre D et coupant constamment la ligne AB.
Il est clair que, si la règle DBE, tandis qu’elle se meut ainsi rencontre le corps C, au moment où elle coupe à angle droit la ligne AB, cette règle détermine par sa poussée le corps C à continuer de se mouvoir vers G suivant la ligne FBAG, c’est-à-dire suivant le côté AB de l’hexagone indéfiniment prolongé. Mais puisque nous avons choisi un hexagone arbitrairement on pourra affirmer la même chose de toute figure supposée inscrite dans le cercle, c’est-à-dire que, lorsque le corps C, au repos un certain instant sur l’un des côtés de la figure, est poussé par la règle DBE au moment où elle coupe ce côté à angle droit, il est déterminé par cette règle à se mouvoir selon le prolongement de ce côté. Concevons donc au lieu de l’hexagone une figure rectiligne d’un nombre infini de côtés (c’est-à-dire un cercle suivant la définition d’Archimède), il est clair que la règle DBE, quelque part qu’elle rencontre le corps C, le rencontrera toujours à un moment où elle coupe à angle droit un côté de la figure ; et ainsi elle ne rencontrera jamais le corps C sans le déterminer en même temps à se mouvoir selon ce côté indéfiniment prolongé. Et comme ce côté quelconque, prolongé dans l’un ou l’autre sens doit toujours tomber en dehors de la figure, il sera tangent à la figure d’un nombre infini de côtés, c’est-à-dire au cercle. Si donc au lieu d’une règle nous concevons une fronde mue circulairement, elle déterminera constamment la pierre à continuer de se mouvoir suivant une tangente.
Il est à noter ici que l’une et l’autre démonstrations s’appliquent à des figures curvilignes quelconques.
[1] Cela est évident par les proposition 18 et 19 du 3° livre des Éléments.