TRE - 31
En réalité les hommes ont pu, avec les instruments naturels, venir à bout, bien qu’avec peine et imparfaitement, de certaines besognes très faciles. Les ayant achevées, ils en ont exécuté de plus difficiles avec une peine moindre et plus parfaitement et, allant ainsi par degrés des travaux les plus simples aux instruments, de ces instruments à d’autres travaux et d’autres instruments, par un progrès constant, ils sont parvenus enfin à exécuter tant d’ouvrages et de si difficiles avec très peu de peine. De même l’entendement avec sa puissance native [1], se façonne des instruments intellectuels par lesquels il accroît ses forces pour accomplir d’autres œuvres [2] intellectuelles ; de ces dernières il tire d’autres instruments, c’est-à-dire le pouvoir de pousser plus loin sa recherche, et il continue ainsi à progresser jusqu’à ce qu’il soit parvenu au faîte de la sagesse.
Sed quemadmodum homines initio innatis instrumentis quaedam facillima, quamvis laboriose et imperfecte, facere quiverunt, iisque confectis alia difficiliora minori labore, et perfectius confecerunt, et sic gradatim ab operibus simplicissimis ad instrumenta, et ab instrumentis ad alia opera, et instrumenta pergendo eo pervenerunt, ut tot et tam difficilia parvo labore perficiant, sic etiam intellectus vi sua nativa [3] facit sibi instrumenta intellectualia, quibus alias vires acquirit ad alia opera [4] intellectualia, et ex iis operibus alia instrumenta seu potestatem ulterius investigandi ; et sic gradatim pergit, donec sapientiae culmen attingat.
[1] Par puissance native j’entends ce qui n’est pas causé en nous par des causes extérieures ; cela sera expliqué plus tard dans ma Philosophie.
[2] Il est fait ici simple mention de ces œuvres ; dans ma Philosophie j’expliquerai en quoi elles consistent.
[3] Per vim nativam intelligo illud, quod in nobis a causis externis non causatur, quodque postea in mea philosophia explicabimus. Sp.
[4] Hic vocantur opera ; in mea philosophia quid sint explicabitur. Sp.