TTP - Pref. - §§ 15 et 16 : épilogue.



[15] Tel est, Lecteur Philosophe, l’ouvrage que je te donne à examiner avec la conviction qu’en raison de l’importance et de l’utilité de son objet, qu’on le prenne dans sa totalité ou dans chacun de ses chapitres, il ne recevra pas de toi mauvais accueil ; j’aurais là-dessus plusieurs choses à ajouter, mais je ne veux pas que cette préface s’allonge et devienne un volume, je crois d’ailleurs que l’essentiel est connu surabondamment des philosophes. Aux non-philosophes je n’ai cure de recommander ce Traité, n’ayant pas de raison d’espérer qu’il puisse leur convenir en aucune façon. Je sais, en effet, combien sont enracinés dans leur âme les préjugés auxquels sous couleur de piété ils ont donné leur adhésion. Je sais aussi qu’il est également impossible d’extirper de l’âme du vulgaire la superstition et la crainte. Je sais enfin qu’en lui l’insoumission tient lieu de constance et qu’il n’est pas gouverné par la Raison, mais emporté par la Passion à la louange et au blâme. Je n’invite donc pas à lire cet ouvrage le vulgaire et ceux qui sont agités des mêmes passions que lui ; bien plutôt préférerais-je de leur part une entière négligence à une interprétation qui, étant erronée suivant leur coutume invariable, leur donnerait occasion de faire le mal, et, sans profit pour eux-mêmes, de nuire à ceux qui philosopheraient plus librement, n’était qu’ils croient que la Raison doit être la servante de la Théologie ; à ces derniers, en effet, j’ai la conviction que cet ouvrage sera très utile.

[16] Comme d’ailleurs beaucoup n’auront ni le loisir ni le goût de tout lire, je suis obligé de prévenir ici comme à la fin du Traité que je n’ai rien écrit que je ne sois prêt à soumettre à l’examen et au jugement des souverains de ma Patrie ; s’ils jugent, en effet, que j’ai dit quelque chose de contraire aux lois de la patrie ou au salut public, je veux que cela soit comme n’ayant pas été dit. Je sais que je suis homme et que j’ai pu me tromper ; j’ai mis tous mes soins toutefois à ne me pas tromper et en premier lieu à ne rien écrire qui ne s’accordât parfaitement avec les lois de la patrie, la piété et les bonnes mœurs.