Traité politique, II, §17
Ce droit que définit la puissance du nombre [1], on a coutume de l’appeler pouvoir public [2], et celui-là possède absolument ce pouvoir, qui, par la volonté générale [3], a le soin de la chose publique, c’est-à-dire le soin d’établir, d’interpréter, et d’abroger les lois, de défendre les villes, de décider de la guerre et de la paix, etc. Si ce soin appartient à une assemblée composée de toute la masse [4], le pouvoir public est appelé démocratie. Si l’Assemblée se compose de quelques personnes choisies, on a l’aristocratie, et si enfin le soin de la chose publique et conséquemment le pouvoir appartient à un seul, alors c’est ce qu’on appelle monarchie [5].
Traduction Saisset :
Ce droit, qui est défini par la puissance de la multitude ; on a coutume de l’appeler l’État. Et celui-là est en pleine possession de ce droit qui, du consentement commun, prend soin de la chose publique, c’est-à-dire établit les lois, les interprète et les abolit, fortifie les villes, décide de la guerre et de la paix, etc. Que si tout cela se fait par une assemblée sortie de la masse du peuple, l’État s’appelle démocratie ; si c’est par quelques hommes choisis, l’État s’appelle aristocratie ; par un seul enfin, monarchie.
Hoc ius, quod multitudinis potentia definitur, imperium appellari solet. Atque hoc is absolute tenet, qui curam reipublicae ex communi consensu habet, nempe iura statuendi, interpretandi et abolendi, urbes muniendi, de bello et pace decernendi, etc. Quod si haec cura ad concilium pertineat, quod ex communi multitudine componitur, tum imperium democratia appellatur, si autem ex quibusdam tantum selectis, aristocratia, et si denique reipublicae cura et consequenter imperium penes unum sit, tum monarchia appellatur.
[1] La puissance du nombre. Ramond et Bove : « la puissance de la multitude ; Zac : « le pouvoir de la multitude » ; Francès : « la puissance de la masse ».
[2] pouvoir public. Ramond, Bove et Zac : « souveraineté », Francès : « autorité politique [souveraine] ».
[3] Volonté générale. Ramond : « commun accord », Bove et Zac : « consentement commun », Francès : « accord général ».
[4] Masse. Ramond, Bove, Zac : « multitude », Francès : « masse ».
[5] Voyez sur ce point Hobbes, De Cive (Traité du citoyen), chapitre VII, §1