Traité politique, VIII, §30



Pour fixer le nombre des sénateurs, voici quelles sont les considérations qui interviennent : d’abord que tous les patriciens aient un espoir égal d’être admis au rang de sénateur ; en second lieu, que les sénateurs arrivés au terme de leur mandat puissent néanmoins être réélus après un délai assez court, afin que le pouvoir soit toujours exercé par des hommes ayant de l’expérience et des capacités. Il faut enfin que parmi les sénateurs il se trouve plusieurs hommes d’une sagesse et d’une vertu éclatante. Pour satisfaire à ces conditions on ne peut concevoir aucun moyen sinon que, aux termes de la loi, nul ne puisse être admis au rang de sénateur, avant d’être parvenu à l’âge de cinquante ans, et que quatre cents patriciens, c’est-à-dire à peu près la douzième partie du nombre total, soient élus pour un an, et rééligibles après un délai de deux ans ; de la sorte la douzième partie des patriciens remplira toujours les fonctions sénatoriales, sauf pendant des intervalles de temps assez courts. Ajouté au nombre des patriciens nommés syndics, ce nombre ne reste pas très inférieur au nombre total des patriciens parvenus à l’âge de cinquante ans. Tous les patriciens auront ainsi un grand espoir d’être élevés au rang de sénateur ou de syndic, et néanmoins les mêmes, sauf pendant des intervalles de temps assez courts, occuperont le siège de sénateur, et (par ce qui a été dit au § 2 de ce chapitre), il ne manquera jamais au Sénat d’hommes éminents par leur intelligence des affaires et leurs connaissances. Cette loi ne pouvant être enfreinte sans que la jalousie de beaucoup de sénateurs soit excitée, il n’est besoin d’aucune précaution pour qu’elle soit toujours en vigueur, sinon que chaque patricien parvenu à l’âge sénatorial en donne la preuve aux syndics. Ces derniers inscriront son nom sur la liste des éligibles au Sénat et la liront devant l’Assemblée suprême afin que les candidats possibles au Sénat y prennent la place qui leur est assignée et qui est voisine de celle qu’occupent les sénateurs eux-mêmes.


Traduction Saisset :

Quel sera le nombre des sénateurs ? Pour résoudre cette question, il faut considérer d’abord qu’il importe que tous les patriciens aient un espoir égal d’entrer dans l’ordre sénatorial ; puis, qu’il faut aussi que les sénateurs, quand le temps de leurs fonctions sera écoulé, puissent être réélus après un intervalle peu éloigné, afin que les affaires de l’État soient toujours entre des mains habiles et expérimentées ; enfin, qu’il est désirable que le Sénat renferme un grand nombre d’hommes illustres par leur sagesse et par leur vertu. Or, si l’on veut obtenir toutes ces conditions, le mieux est d’établir par une loi : 1° que nul ne sera reçu dans l’ordre sénatorial qu’après avoir atteint l’âge de cinquante ans ; 2° que le Sénat se composera du douzième des patriciens, c’est-à-dire de quatre cents membres élus pour un an ; 3° que cet an écoulé, les mêmes sénateurs pourront être réélus après un intervalle de deux ans. De cette manière il y aura toujours un douzième des patriciens remplissant l’office sénatorial avec des intervalles assez courts ; or ce nombre ajouté à celui des syndics ne sera pas fort au-dessous du nombre total des patriciens ayant l’âge de cinquante ans ; et par conséquent, tous les patriciens, auront toujours un grand espoir d’entrer soit au sénat, soit au conseil des syndics, ce qui n‘empêchera pas que les mêmes patriciens continuent, après de faibles intervalles, d’exercer les fonctions sénatoriales, de sorte que le sénat ne manquera jamais (par ce qui a été dit à l’article 2 du présent chapitre) d’hommes supérieurs, puissants par la sagesse et l’habileté. Et comme cette organisation ne peut être brisée sans exciter les ressentiments d’un grand nombre de patriciens, il n’est besoin, pour en assurer le maintien, d’aucune autre précaution que de celle-ci, savoir que chaque patricien, parvenu à l’âge indiqué, en montre la preuve aux syndics, lesquels inscriront son nom sur la liste des patriciens accessibles aux fonctions sénatoriales, et le proclameront dans l’Assemblée suprême, afin qu’il y occupe la place désignée à ses pareils, tout près de celle des sénateurs.


Ad senatorum numerum determinandum haec consideranda veniunt : primo ut omnibus patriciis spes aeque magna sit ordinem senatorium recipiendi ; deinde ut nihilominus iidem senatores, quorum tempus, in quod electi fuerant, elapsum est, non magno post intervallo continuari possint, ut sic imperium a viris peritis et expertis semper regatur, et denique ut inter senatores plures reperiantur sapientia et virtute clari. Ad has autem omnes conditiones obtinendas, nihil aliud excogitari potest, quam quod lege institutum sit, ut nullus nisi qui ad annum aetatis quinquagesimum pervenit, in ordinem senatorium recipiatur, et ut quadringenti, hoc est, ut patriciorum una circiter duodecima pars in annum eligatur, quo elapso post biennium iidem continuari iterum possint. Hoc namque modo semper patriciorum una circiter duodecima pars, brevibus tantummodo interpositis intervallis, munus senatorium subibit ; qui sane numerus una cum illo, quem syndici conficiunt, non multum superabitur a numero Patriciorum, qui annum aetatis quinquagesimum attigerunt. Atque adeo omnibus patriciis magna semper erit spes senatorum aut syndicorum ordinem adipiscendi ; et nihilominus iidem patricii, interpositis tantummodo, uti diximus, brevibus intervallis, senatorium ordinem semper tenebunt, et (per illa quae art. 2. huius cap. diximus) nunquam in senatu deerunt viri praestantissimi, qui consilio et arte pollent. Et quia haec lex frangi non potest absque magna multorum patriciorum invidia, nulla alia cautione, ut valida semper sit, opus est, quam ut unusquisque patricius, qui eo, quo diximus, aetatis pervenit, syndicis eius rei testimonium ostendat, qui ipsius nomen in catalogum eorum, qui senatoriis muneribus adipiscendis destinantur, reponent et in supremo concilio legent, ut locum in hoc supremo concilio similibus dicatum, et qui senatorum loco proximus sit cum reliquis eiusdem ordinis occupet.