Chapitre XI

De la Raillerie et de la Plaisanterie.



(1) La raillerie et la plaisanterie reposent sur une opinion fausse et font connaître une imperfection dans le Railleur et le Plaisant.
Elles reposent sur une opinion fausse, puisqu’on s’imagine que celui de qui l’on se moque est la cause première de ses œuvres et qu’elles ne dépendent pas avec nécessité de Dieu (comme toutes les autres choses existant dans la Nature). Elles font connaître une imperfection dans le Railleur, car l’objet de la moquerie est ou n’est pas de telle nature qu’il mérite d’être raillé ; s’il n’est pas de telle nature, le moqueur montre qu’il est d’un mauvais naturel, en raillant ce qui n’est pas à railler ; si l’objet mérite raillerie, le moqueur montre qu’il reconnaît quelque imperfection dans ce qu’il raille ; imperfection qu’il est tenu de corriger non par la moquerie, mais bien plutôt par des paroles bienveillantes.

(2) Quant au rire [*], il n’a point d’objet extérieur, mais se rapporte seulement à l’homme qui remarque en lui-même quelque chose de bon ; et puisque c’est une certaine sorte de joie, il n’y a rien à en dire qui n’ait été dit précédemment de la Joie. Je parle d’un rire ayant pour cause une certaine Idée qui excite le rire et nullement d’un rire provoqué par le mouvement des esprits animaux. Il est tout à fait hors de notre dessein de parler de ce dernier qui n’a aucun rapport ni au bien ni au mal.

(3) De l’Envie, de la Colère et de l’Indignation il n’y a rien d’autre à dire que de rappeler ce que nous avons déjà dit de la Haine.


[*Le rire (lachgen) dont il est ici question n’est pas autre chose que la gaieté.