EII - Proposition 5


L’être formel des idées reconnaît pour cause Dieu, en tant seulement qu’il est considéré comme être pensant, non en tant qu’il s’explique par un autre attribut. C’est-à-dire les idées tant des attributs de Dieu que des choses singulières reconnaissent pour cause efficiente non les objets dont elles sont les idées ou, en d’autres termes, les choses perçues, mais Dieu lui-même en tant qu’il est chose pensante.

DÉMONSTRATION

Cela est évident par la Proposition 3. Là en effet nous établissions que Dieu peut former une idée de son essence et de tout ce qui en suit nécessairement, en nous fondant seulement sur ce qu’il est chose pensante et non sur ce qu’il serait l’objet de sa propre idée. C’est pourquoi l’être formel des idées reconnaît pour cause Dieu, en tant qu’il est chose pensante. Mais voici une autre démonstration : l’être formel des idées est un mode du penser (comme il est connu de soi), c’est-à-dire (Coroll. de la Prop. 25, p. I) un mode qui exprime d’une certaine manière la nature de Dieu en tant qu’il est chose pensante, et ainsi (Prop. 10, p. I) n’enveloppe le concept d’aucun autre attribut de Dieu, et conséquemment (Ax. 4, p. I) n’est l’effet d’aucun autre attribut, sinon de la pensée donc l’être formel des idées a pour cause Dieu en tant seulement qu’il est considéré comme chose pensante, etc. C.Q.F.D. [*]


Esse formale idearum Deum quatenus tantum ut res cogitans consideratur, pro causa agnoscit et non quatenus alio attributo explicatur. Hoc est tam Dei attributorum quam rerum singularium ideæ non ipsa ideata sive res perceptas pro causa efficiente agnoscunt sed ipsum Deum quatenus est res cogitans.

DEMONSTRATIO :

Patet quidem ex propositione 3 hujus. Ibi enim concludebamus Deum ideam suæ essentiæ et omnium quæ ex ea necessario sequuntur, formare posse ex hoc solo nempe quod Deus est res cogitans et non ex eo quod sit suæ ideæ objectum. Quare esse formale idearum Deum quatenus est res cogitans, pro causa agnoscit. Sed aliter hoc modo demonstratur. Esse formale idearum modus est cogitandi (ut per se notum) hoc est (per corollarium propositionis 25 partis I) modus qui Dei naturam quatenus est res cogitans, certo modo exprimit adeoque (per propositionem 10 partis I) nullius alterius attributi Dei conceptum involvit et consequenter (per axioma 4 partis I) nullius alterius attributi nisi cogitationis est effectus adeoque esse formale idearum Deum quatenus tantum ut res cogitans consideratur etc. Q.E.D.

[*(Saisset) : L’être formel des idées a pour cause Dieu, en tant seulement que l’on considère Dieu comme une chose pensante et non pas en tant que sa nature s’exprime par un autre attribut ; en d’autres termes, les idées des choses particulières n’ont point pour cause efficiente leurs objets, c’est-à-dire les choses perçues, mais Dieu lui-même, en tant qu’il est une chose pensante. Démonstration Cela résulte évidemment de la proposition 3 de cette deuxième partie. Nous y sommes arrivés, en effet, à cette conclusion, que Dieu peut former l’idée de son essence et de tout ce qui en découle nécessairement, par cela seul que Dieu est chose pensante, et non pas parce que Dieu est l’objet de sa propre idée. Par conséquent, l’être formel des idées a pour cause Dieu, en tant qu’il est chose pensante. Mais cela se démontre encore autrement. L’être formel des idées est un mode de la pensée, comme cela est évident de soi, un mode par conséquent (en vertu du Corollaire de la Propos. 25, partie 1) qui exprime d’une façon déterminée la nature de Dieu en tant que chose pensante ; et par conséquent encore (en vertu de la Propos. 10, partie 1), il n’enveloppe le concept d’aucun autre attribut divin que la pensée, et il n’est enfin (par l’Axiome 4, partie 1) l’effet d’aucun attribut autre que celui-là. D’où il suit que l’être formel des idées a pour cause Dieu, en tant qu’il est considéré comme chose pensante, etc. C.Q.F.D.