EIII - Proposition 22


Si nous imaginons que quelqu’un affecte de Joie la chose que nous aimons, nous serons affectés d’Amour à son égard. Si, au contraire, nous imaginons qu’il l’affecte de Tristesse, nous serons tout au rebours affectés de Haine contre lui.

DÉMONSTRATION

Qui affecte de Joie ou de Tristesse la chose que nous aimons, il nous affecte aussi de Joie ou de Tristesse, puisque nous imaginons la chose que nous aimons affectée de cette Joie ou de cette Tristesse (Prop. préc.). Mais on suppose que l’idée d’une cause extérieure accompagne cette Joie ou cette Tristesse ; donc (Scolie de la Prop. 13), si nous imaginons que quelqu’un affecte de Joie ou de Tristesse la chose que nous aimons, nous serons affectés d’Amour ou de Haine à son égard. C.Q.F.D [*]


Si aliquem imaginamur lætitia afficere rem quam amamus, amore erga eum afficiemur. Si contra eundem imaginamur tristitia eandem afficere, contra odio etiam contra ipsum afficiemur.

DEMONSTRATIO :

Qui rem quam amamus lætitia vel tristitia afficit, ille nos lætitia vel tristitia etiam afficit si nimirum rem amatam lætitia illa vel tristitia affectam imaginamur (per præcedentem propositionem). At hæc lætitia vel tristitia in nobis supponitur dari concomitante idea causæ externæ ; ergo (per scholium propositionis 13 hujus) si aliquem imaginamur lætitia vel tristitia afficere rem quam amamus, erga eundem amore vel odio afficiemur. Q.E.D.

[*(Saisset :) Si nous nous représentons une personne comme causant de la joie à l’objet aimé, nous éprouverons pour elle de l’amour ; si nous nous la figurons, au contraire, comme causant de la tristesse à l’objet aimé, nous éprouverons pour elle de la haine. Démonstration Celui cause de la joie ou de la tristesse à ce que nous aimons nous cause à nous-mêmes ces mêmes passions chaque fois que nous nous représentons l’objet aimé comme affecté de cette joie ou de cette tristesse (par la précéd. Propos.). Voilà donc en nous la, joie ou la tristesse accompagnée, par hypothèse, de l’idée d’une cause extérieure. Donc (par le Scol. de la Propos. 13), si nous nous figurons qu’une personne cause de la tristesse ou de la joie à ce que nous aimons, nous aurons pour elle de la haine ou de l’amour. C. Q. F. D.