EIII - Proposition 50 - scolie
EIII - Proposition 15 - corollaire ; EIII - Proposition 18 - scolie 2 ; EIII - Proposition 25 ; EIII - Proposition 28.
Les choses qui sont par accident des causes d’Espoir ou de Crainte sont appelées bons ou mauvais présages. J’ajoute que ces présages, en tant qu’ils sont une cause d’Espoir ou de Crainte, sont (Déf. de l’Espoir et de la Crainte, voir Scolie 2 de la Prop. 18) une cause de Joie ou de Tristesse, et conséquemment (Coroll. de la Prop. 15), nous les aimons ou les avons en Haine comme tels et (Prop. 28) nous cherchons à les employer comme des moyens de parvenir à ce que nous espérons ou à les écarter comme des obstacles ou des causes de Crainte. En outre, il suit de la Proposition 25 que nous sommes disposés de nature à croire facilement ce que nous espérons, difficilement ce dont nous avons peur, et à en faire respectivement trop ou trop peu de cas. De là sont nées les superstitions par lesquelles les hommes sont partout dominés. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il vaille la peine de montrer ici les fluctuations qui naissent de l’Espoir et de la Crainte, puisqu’il suit de la seule définition de ces affections qu’il n’y a pas d’Espoir sans Crainte ni de Crainte sans Espoir (comme nous l’expliquerons plus amplement en son lieu), et puisque, en outre, en tant que nous espérons ou craignons quelque chose, nous l’aimons ou l’avons en haine ; et ainsi tout ce que nous avons dit de l’Amour et de la Haine, chacun pourra aisément l’appliquer à l’Espoir et à la Crainte. [*]
Res quæ per accidens spei aut metus sunt causæ, bona aut mala omina vocantur. Deinde quatenus hæc eadem omina sunt spei aut metus causa eatenus (per definitionem spei et metus, quam vide in scholio II propositionis 18 hujus) lætitiæ aut tristitiæ sunt causa et consequenter (per corollarium propositionis 15 hujus) eatenus eadem amamus vel odio habemus et (per propositionem 28 hujus) tanquam media ad ea quæ speramus, adhibere vel tanquam obstacula aut metus causas amovere conamur. Præterea ex propositione 25 hujus sequitur nos natura ita esse constitutos ut ea quæ speramus, facile, quæ autem timemus, difficile credamus et ut de iis plus minusve justo sentiamus. Atque ex his ortæ sunt superstitiones quibus homines ubique conflictantur. Cæterum non puto operæ esse pretium animi hic ostendere fluctuationes quæ ex spe et metu oriuntur quandoquidem ex sola horum affectuum definitione sequitur non dari spem sine metu neque metum sine spe (ut fusius suo loco explicabimus) et præterea quandoquidem quatenus aliquid speramus aut metuimus eatenus idem amamus vel odio habemus atque adeo quicquid de amore et odio diximus, facile unusquisque spei et metui applicare poterit.
[*] (Saisset :) Les choses qui sont, par accident, des causes d’espérance ou de crainte, on les nomme bons ou mauvais présages. Ces présages, en tant qu’ils sont pour nous des causes d’espérance ou de crainte, le sont en même temps de joie ou de tristesse (Par les Déf. de l’espérance et de la crainte, qu’on trouve au Scol. 2 de la Propos. 18), et en conséquence (par le corollaire de la propos. 15) nous avons pour eux de l’amour et de la haine, et nous faisons effort (par la Propos. 28) soit pour les employer comme moyens d’atteindre l’objet de nos espérances, soit pour les écarter comme des obstacles et des causes de crainte. En outre, il suit de la Propos. 25, que la constitution naturelle de l’homme est telle qu’il croit facilement ce qu’il espère et difficilement ce qu’il appréhende, et que nos sentiments, à cet égard, sont toujours en deçà ou au delà de ce qui est juste. Telle est l’origine de ces superstitions qui en tout lieu tourmentent les humains.
Du reste, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’expliquer ici les fluctuations qui proviennent de l’espérance et de la crainte, puisqu’il résulte de la seule définition de ces passions que l’espérance ne va pas sans la crainte, ni la crainte sans l’espérance (comme nous l’expliquerons plus amplement en son lieu) ; et comme il arrive, en outre, que nous avons toujours de l’amour ou de la haine pour un objet, en tant que nous l’espérons ou le redoutons, il s’ensuit que tout ce que nous avons dit sur l’amour et la haine, chacun peut aisément l’appliquer à l’espérance et à la crainte.