EIV - Proposition 50
EIII - Proposition 27 - corollaire 3 ; EIII - Définitions des affects - 18.
EIV - Proposition 27 ; EIV - Proposition 37 ; EIV - Proposition 41.
La Commisération est en elle-même mauvaise et inutile, dans un homme qui vit sous la conduite de la Raison.
DÉMONSTRATION
La Commisération en effet (Déf. 18 des Aff.) est une Tristesse ; par suite, elle est mauvaise par elle-même. Pour le bien qui en suit, à savoir que nous nous efforçons de délivrer de sa misère celui pour qui nous avons de la commisération (Coroll. 3 de la Prop. 27, p. III), nous désirons le faire par le seul commandement de la Raison (Prop. 37) ; et nous ne pouvons faire que par le seul commandement de la Raison quelque chose que nous sachions avec certitude être bon (Prop. 27) ; la Commisération est donc mauvaise en elle-même et inutile, dans un homme qui vit sous la conduite de la Raison. C.Q.F.D. [*]
Commiseratio in homine qui ex ductu rationis vivit, per se mala et inutilis est.
DEMONSTRATIO :
Commiseratio enim (per 18 affectuum definitionem) tristitia est ac proinde (per propositionem 41 hujus) per se mala ; bonum autem quod ex ea sequitur, quod scilicet hominem cujus nos miseret, a miseria liberare conamur (per corollarium III propositionis 27 partis III) ex solo rationis dictamine facere cupimus (per propositionem 37 hujus) nec nisi ex solo rationis dictamine aliquid quod certo scimus bonum esse, agere possumus (per propositionem 27 hujus) atque adeo commiseratio in homine qui ex ductu rationis vivit, per se mala est et inutilis. Q.E.D.
[*] (Saisset :) La pitié est, de soi, mauvaise et inutile dans une âme qui vit selon la raison. Démonstration En effet, la pitié est une sorte de tristesse (par la Déf. 18 des pass.), et partant elle est, de soi, mauvaise (par la Propos. 41). Quant au bien qui en résulte, je veux dire celui que nous faisons en nous efforçant de délivrer de sa misère l’objet de notre pitié (par le Coroll. 3 de la propos. 27, part. 3), la raison seule nous porte à désirer de l’accomplir (par la Propos. 37), et ce n’est même que par la raison (par la propos. 27) que nous pouvons faire le bien, en sachant certainement que nous faisons le bien ; d’où il suit que la pitié est, de soi, mauvaise et inutile dans une âme qui vit selon la raison.