Lettre 25 - Oldenburg à Spinoza (28 avril 1665)



à Monsieur Benoît de Spinoza,
Henri Oldenburg.

Monsieur et très cher ami [1],

J’ai été ravi d’apprendre par une lettre récente de M. Serrarius que vous étiez en vie et en bonne santé et que vous n’avez pas oublié votre Oldenburg, mais j’accusais en même temps ma fortune (s’il m’est permis d’user de ce mot) qui m’a privé, pendant tant de mois, du commerce agréable entre tous établi entre vous et moi. Il faut accuser de cette interruption la multitude des occupations et les grandes calamités qui m’ont accablé. Mes sentiments à votre égard sont demeurés aussi vifs et l’amitié fidèle que je vous porte défie les années. M. Boyle et moi, nous nous entretenons souvent de vous, de votre grand savoir, de vos profonds travaux. Nous voudrions que l’enfant que vous portez en vous vît le jour et s’offrît au bon vouloir des doctes, et nous attendons avec confiance que vous nous donniez satisfaction. Il n’y a pas de raison pour que la dissertation de M. Boyle sur le salpêtre, la solidité et la fluidité soit imprimée dans votre pays : elle l’a déjà été ici en latin et on n’attend qu’une occasion de vous envoyer des exemplaires. Je vous prie donc de ne pas permettre qu’aucun de vos imprimeurs entreprenne ce travail.

Le même Boyle a publié un traité remarquable sur les couleurs, en anglais et en latin, et en même temps une série de recherches expérimentales sur le froid, les thermomètres, etc. où se trouvent beaucoup de choses belles et neuves. Seule cette guerre néfaste empêche que ces livres ne vous soient envoyés. Il a aussi paru un traité remarquable, contenant, sur soixante observations au microscope, des considérations audacieuses mais philosophiques (conformes aux principes mécaniques). J’espère que vos libraires trouveront quelque moyen de vous faire parvenir des exemplaires de tous ces ouvrages. Je désire de mon côté recevoir de vous-même ce que vous avez fait récemment ou l’ouvrage que vous avez en main, et je demeure votre ami très dévoué

HENRI OLDENBURG.
Londres, le 28 avril 1665.


[1Cette lettre reprend la correspondance interrompue à la Lettre 16 (note jld).