TTP - chap.2 - §§1-2 : Introduction.



[1] Du chapitre précédent il suit, comme nous l’avons déjà indiqué, que les Prophètes ont été doués non d’une pensée plus parfaite, mais du pouvoir d’imaginer avec plus de vivacité, et les récits de l’Écriture le prouvent abondamment. Il est établi que Salomon, par exemple, bien qu’il l’emportât sur les autres hommes en sagesse, n’eut pas le don prophétique. De même ces hommes très avisés, Heman, Dorda, Calchol n’ont pas été des Prophètes et, au contraire, des hommes incultes, étrangers à toute discipline, voire de simples femmes comme Agar, la servante d’Abraham, eurent le don prophétique. Cela s’accorde d’ailleurs, avec l’expérience et la raison : où domine le plus l’imagination il y a le moins d’aptitude à connaître les choses par l’entendement pur, et, au contraire, ceux qui sont supérieurs par l’entendement et le cultivent le plus, ont un pouvoir d’imaginer plus tempéré, plus contenu et comme réfréné, pour qu’il ne se mêle pas à l’entendement. Chercher la sagesse et la connaissance des choses naturelles et spirituelles dans les livres des Prophètes, c’est donc s’écarter entièrement de la voie droite ; suivant que le demandent l’époque, la Philosophie et mon sujet, j’ai décidé de montrer cela amplement, sans me soucier des cris que poussera la superstition : ne hait-elle point par-dessus tout ceux qui honorent la vraie science et la vie vraie ? Les choses en sont venues hélas ! à tel point que des hommes faisant ouvertement profession de n’avoir aucune idée de Dieu et de ne le connaître que par les choses créées (dont ils ignorent les causes), ne rougissent pas d’accuser les Philosophes d’athéisme.

[2] Pour procéder avec ordre je montrerai d’abord que les Prophètes ont différé non seulement à l’égard de l’imagination et du tempérament corporel propre à chacun d’eux, mais aussi à l’égard des opinions dont ils étaient imbus ; par suite la Prophétie n’a jamais fait que les Prophètes eussent plus de science, comme je l’expliquerai bientôt plus amplement ; mais il faut d’abord parler de la certitude propre aux Prophètes car, d’une part, cela concerne le sujet de ce chapitre, de l’autre, cela sert aussi quelque peu à établir ce que nous avons dessein de démontrer.