Traité politique, II, §14



En tant que les hommes sont en proie à la colère, à l’envie, ou à quelque sentiment de haine, ils sont entraînés à l’opposé les uns des autres et contraires les uns aux autres, et d’autant plus redoutables qu’ils ont plus de pouvoir et sont plus habiles et rusés que les autres animaux. Comme maintenant les hommes (ainsi que nous l’avons vu au § 5 de ce chapitre) sont très sujets par nature à ces sentiments, ils sont aussi par nature ennemis les uns des autres [1] : celui-là en effet est mon plus grand ennemi, qui est le plus redoutable pour moi, et de qui je dois le plus me garder.


Traduction Saisset :

Tant que les hommes sont en proie à la colère, à l’envie et aux passions haineuses, ils sont tiraillés en divers sens et contraires les uns aux autres, d’autant plus redoutables qu’ils ont plus de puissance, d’habileté et de ruse que le reste des animaux ; or les hommes dans la plupart de leurs actes étant sujets par leur nature aux passions (comme nous l’avons dit à l’article 5 de ce chapitre), il s’ensuit que les hommes sont naturellement ennemis. Car mon plus grand ennemi, c’est celui que j’ai le plus à craindre et dont j’ai le plus à me garder.


Quatenus homines ira, invidia aut aliquo odii affectu conflictantur, eatenus diverse trahuntur et invicem contrarii sunt, et propterea eo plus timendi, quo plus possunt, magisque callidi et astuti sunt, quam reliqua animalia ; et quia homines ut plurimum (ut in art. 5. praeced. cap. diximus) his affectibus natura sunt obnoxii, sunt ergo homines ex natura hostes. Nam is mihi maximus hostis, qui mihi maxime timendus et a quo mihi maxime cavendum est.