Traité politique, III, §07



Il faut considérer en premier lieu que si dans l’état de nature (§ 11 du chapitre précédent) celui-là a le plus de pouvoir et relève le plus de lui-même, qui vit sous la conduite de la raison, de même aussi la Cité fondée sur la raison et dirigée par elle est celle qui est la plus puissante et relève le plus d’elle-même. Le droit de la Cité en effet est défini par la puissance de la masse qui est conduite en quelque sorte par une même pensée, et cette union des âmes ne peut se concevoir en aucune façon si la Cité ne tend éminemment au but que la saine raison enseigne à tous les hommes qu’il leur est utile d’atteindre [1].


Traduction Saisset :

Et d’abord, en effet, de même que dans l’état de nature l’homme le plus puissant et qui s’appartient le plus à lui-même est celui qui est conduit par la raison (en vertu de l’article 11 du chapitre précédent), de même l’État le plus puissant et le plus maître de soi, c’est l’État qui est fondé selon la raison et dirigé par elle. Car le droit de l’État est déterminé par la puissance de la multitude en tant qu’elle est conduite comme par une seule âme. Or cette union des âmes ne pourrait en aucune manière se concevoir, si l’État ne se proposait pour principale fin ce qui est reconnu utile à tous par la saine raison.


Nam considerandum primum venit, quod sicuti in statu naturali (per art. 2. praeced. cap.) ille homo maxime potens maximeque sui iuris est, qui ratione ducitur ; sic etiam illa civitas maxime erit potens et maxime sui iuris, quae ratione fundatur et dirigitur. Nam civitatis ius potentia multitudinis, quae una veluti mente ducitur, determinatur. At haec animorum unio concipi nulla ratione posset, nisi civitas id ipsum maxime intendat, quod sana ratio omnibus hominibus utile esse docet.

[1La société politique n’est pas contraire à la raison : voyez EIV - Proposition73 et Traité théologico-politique, chapitre 16, §8.