Traité politique, VII, §28
Les militaires stipendiés, c’est-à-dire pliés à la discipline, sachant supporter le froid et la faim, ont accoutumé de mépriser la foule des citoyens, très inférieure à eux, quand il s’agit de donner l’assaut ou de combattre en rase campagne. Mais que cette infériorité soit un malheur pour l’État ou une cause de fragilité, nul ayant l’âme saine ne l’affirmera. Au contraire, quiconque juge équitablement reconnaîtra que l’État le plus solide est celui qui peut défendre son bien, mais non convoiter le bien d’autrui, parce qu’il s’efforcera par tous les moyens d’éviter la guerre et de maintenir la paix.
Traduction Saisset :
Quant aux soldats stipendiés, on sait qu’accoutumés à la discipline militaire, endurcis au froid et aux privations, ils méprisent d’ordinaire la foule des citoyens, comme incapable de les égaler à beaucoup près dans les attaques de vigueur et en rase campagne. C’est là aux yeux de tout esprit sain une cause de ruine et de fragilité. Au contraire, tout appréciateur équitable reconnaîtra que l’État le plus ferme de tous, c’est celui qui ne peut que défendre ses possessions acquises sans convoiter les territoires étrangers, et qui dès lors s’efforce par tous les moyens d’éviter la guerre et de maintenir la paix.
Milites deinde stipendiarii, militari scilicet disciplinae assueti, algoris et inediae patientes, civium turbam contemnere solent, utpote ad expugnatione, vel aperto Marte dimicandum longe inferiorem. Sed quod imperium ea de causa infelicius sit aut minus constans, nullus cui mens sana est affirmabit. Sed contra unusquisque aequus rerum aestimator illud imperium omnium constantius esse non negabit, quod parta tantum tueri, nec aliena appetere potest, quodque propterea bellum omnibus modis declinare, et pacem tueri summo studio conatur.