Traité politique, X, §09



Cela posé, voyons maintenant si des États de la sorte décrite peuvent par quelque cause tenant à eux-mêmes être détruits. Si un État cependant peut se perpétuer, ce sera nécessairement celui dont les lois une fois bien établies demeurent inviolées. Car les lois sont l’âme de l’État. Aussi longtemps qu’elles demeurent, l’État subsiste nécessairement. Mais les lois ne peuvent demeurer inviolées si elles ne sont sous la protection et de la raison et des affections communes aux hommes ; autrement, je veux dire si elles n’ont que l’appui de la raison, elles sont peu valides et on en vient aisément à bout. Puis donc que nous avons montré que les lois fondamentales des deux sortes d’État aristocratique s’accordent avec les affections des hommes, nous pouvons affirmer que, s’il y a des États capables de subsister toujours, ce sont ceux-là, et que, s’ils peuvent être détruits, ce n’est pas par une cause tenant à quelque défaut propre, mais à un destin inéluctable.


Traduction Saisset :

Ceci posé, voyons maintenant si des gouvernements de cette nature peuvent succomber par quelque faute qui leur soit imputable. S’il est possible qu’un État dure éternellement, ce sera nécessairement celui dont les lois une fois bien établies seront toujours respectées. Car les lois sont l’âme d’un État. Conserver les lois, c’est donc conserver l’État lui-même. Mais les lois ne règneront en maîtresses qu’autant qu’elles seront défendues par la raison et les passions communes du genre humain. Sans cela, et, par exemple, si elles n’ont d’appui que la seule raison, elles seront impuissantes et facilement violées. Mais puisque nous avons fait voir que les lois fondamentales des deux gouvernements aristocratiques sont compatibles avec la raison et les passions communes du genre humain, nous pouvons affirmer que s’il est des États qui puissent éternellement subsister, ce seront ceux-là même ; car ils ne pourront succomber par aucune cause qui leur soit imputable, mais seulement sous le coup de l’inévitable nécessité.


His positis videamus iam, an huiusmodi imperia culpabili aliqua causa possint destrui. Verum si quod imperium aeternum esse potest, illud necessario erit, cuius semel recte instituta iura inviolata manent. Anima enim imperii iura sunt. His igitur servatis servatur necessario imperium. At iura invicta esse nequeunt, nisi et ratione et communi hominum affectu defendantur ; alias si scilicet solo rationis auxilio nituntur, invalidae sane sunt facileque vincuntur. Cum itaque utriusque imperii aristocratici iura fundamentalia cum ratione et communi hominum affectu convenire ostenderimus, possumus ergo affirmare, si quae ulla imperia, haec necessario aeterna fore, vel nulla culpabili causa, sed fato tantummodo aliquo inevitabili posse destrui.