Lettre 80 - Tschirnhaus à Spinoza (2 mai 1676)



Au très savant
Et très pénétrant philosophe B. de Spinoza,
Ehrenfr. Walther de Tschirnhaus.

Monsieur,

En premier lieu il m’est extrêmement difficile de concevoir comment on peut démontrer a priori l’existence de corps qui ont des mouvements et des figures alors que rien de tel ne se rencontre dans l’étendue quand on la considère absolument. En second lieu je voudrais apprendre de vous comment il faut entendre ce que vous énonciez dans la lettre sur l’Infini [1] dans ces termes : on ne conclut cependant pas que de telles grandeurs dépassent tout nombre par la multitude de leurs parties. Tous les mathématiciens en effet me semblent démontrer au sujet de choses infinies de cette sorte que le nombre des parties dépasse tout nombre assignable et, dans l’exemple des deux cercles, que vous donnez en cet endroit, il ne semble pas que vous établissiez ce que vous aviez annoncé que vous établiriez. Vous montrez en effet seulement qu’ils ne tirent pas cette conclusion de la grandeur excessive de l’espace compris et de ce que nous n’avons pas de maximum et de minimum dans ce cas. Mais vous ne démontrez pas comme vous le vouliez, qu’ils ne le concluent pas de la multitude des parties. [J’ai appris de M. Leibniz que le précepteur du Dauphin de France, appelé Huet, un homme d’un savoir étendu, doit écrire sur la vérité de la religion et réfuter votre Traité théologico-politique. Adieu.] [2]

Le 2 mai 1676.


[2Les mots entre crochets ne se trouvent pas dans les Opera posthuma, mais dans la traduction hollandaise ancienne de cet ouvrage.