Proposition 7 - Lemme 1
Plus une chose est parfaite de sa nature, plus grande et plus nécessaire est l’existence qu’elle enveloppe ; et inversement plus grande et plus nécessaire est l’existence qu’une chose enveloppe de sa nature, plus parfaite elle est.
Démonstration
Dans l’idée ou le concept de toute chose est contenue l’existence (par l’Axiome 6). Soit donc A une chose supposée avoir dix degrés de perfection. Je dis que son concept contient plus d’existence que si elle était supposée contenir seulement cinq degrés de perfection. Puisque, un effet, nous ne pouvons rien affirmer du néant (voir Scolie de la Proposition 4), autant nous retranchons par la pensée à la perfection de A (le concevant ainsi de plus en plus comme participant du néant) autant aussi de possibilité d’existence nous nions de lui. Et, par suite, si nous concevons que les degrés de sa perfection soient diminués à l’infini, autrement dit jusqu’à zéro, A ne contiendra aucune existence, c’est-à-dire contiendra une existence absolument impossible. Si, au contraire, nous augmentons à l’infini ses degrés nous le concevrons comme enveloppant l’existence suprême, et par suite, suprêmement nécessaire. C’est là la première partie de la Proposition. Maintenant comme nécessité et perfection ne peuvent être aucunement séparées (ainsi qu’il est assez certain par l’Axiome 6 et toute la première partie de cette Démonstration), il suit de là clairement ce qu’il fallait démontrer en second lieu.
OBSERVATION I. - Bien que beaucoup de choses soient dites exister nécessairement par cela seul qu’une cause déterminée existe pour les produire, ça n’est point de telles choses que nous parlons ici mais seulement de cette nécessité et de cette possibilité qui suivent de la seule considération de la nature ou de l’essence d’une chose, sans avoir égard à aucune cause.
OBSERVATION II . - Nous ne parlons pas ici de la beauté et des autres perfections que les hommes ont voulu appeler perfections par superstition et ignorance. Mais j’entends par perfection seulement la réalité ou l’être ; ainsi je perçois qu’il est contenu dans la substance plus de réalité que dans les modes et les accidents et en conséquence je connais clairement qu’elle contient une existence plus nécessaire et parfaite que les accidents, comme il est assez certain par les Axiomes 4 et 6.