TTP - chap. X - §§17-18 : Conclusion : la question du canon, et transition vers le Nouveau Testament.
[17] J’ai ainsi terminé les observations que j’avais dessein de faire sur les livres de l’Ancien Testament. Il en ressort qu’avant le temps des Machabées il n’y a pas eu de canon des Livres sacrés [1] et que ceux qui font actuellement partie du canon, ont été choisis parmi beaucoup d’autres et en vertu d’un pouvoir discrétionnaire par les Pharisiens du deuxième temple lesquels ont institué aussi les formules des prières. Ceux donc qui veulent démontrer l’autorité de l’Écriture ont à montrer l’autorité de chaque livre ; et il ne suffit pas de prouver la divinité de l’un pour qu’on ait le droit de conclure à la divinité de tous ; sans quoi l’on devrait admettre que le conseil des Pharisiens n’a pu commettre d’erreur dans le choix qu’il a fait des livres, ce que personne ne démontrera jamais.
La raison qui m’oblige à admettre que seuls les Pharisiens ont choisi et admis dans le canon les livres de l’Ancien Testament, est premièrement que, dans le livre de Daniel (chap. dernier, v. 2) est prédite la résurrection des morts rejetée par les Saducéens ; en second lieu l’indication précise donnée par les Pharisiens eux-mêmes dans le Talmud : nous lisons dans le Traité du Sabbat (chap. II, fol. 30, p. 2) : R. Jehuda appelé Rabi a dit : les habiles ont voulu cacher le livre de l’Ecclésiaste parce que ses paroles contredisent aux paroles de la Loi (c’est-à-dire au livre de la loi de Moïse). Pourquoi cependant ne l’ont-ils pas caché ? Parce qu’il commence selon la Loi et finit selon la Loi. Et un peu plus bas : et ils ont aussi voulu cacher le livre des Proverbes, etc. Et enfin nous lisons dans ce même Traité (chap. I, fol. 13, p. 2) : Renommé certes pour sa bienveillance cet homme qui avait nom Neyhunja, fils d’Hiskia ; car n’eût été lui, le livre d’Ézéchiel eût été caché parce que ses paroles contredisaient aux paroles de la Loi. Par où l’on voit très clairement que des hommes versés dans la loi ont tenu conseil pour décider quels livres devraient être admis au nombre des livres sacrés, quels exclus. Pour s’assurer de l’autorité de tous, il faut donc se mettre du conseil et recommencer la délibération en demandant à tous leurs titres.
[18] Ce serait le moment maintenant d’examiner de même les livres du Nouveau Testament. Je sais toutefois que ce travail a été fait par des hommes très versés dans les sciences et surtout dans les langues ; je n’ai d’ailleurs pas moi-même une connaissance assez complète de la langue grecque pour me risquer dans cette entreprise. Enfin nous n’avons pas les textes originaux des livres écrits en hébreu ; j’aime donc mieux y renoncer. Toutefois je crois devoir noter ci-après ce qui importe le plus à mon dessein.