Notes marginales
ajoutées par Spinoza au Traité théologico-politique.
NOTE I (au chap. I)
La troisième lettre du radical des mots, quand elle est de celles qu’on nomme lettres de pause, est habituellement supprimée et à sa place la deuxième est redoublée ; c’est ainsi que galah, par la suppression de he, lettre de pause, donne golel [et nibâ donne novev d’où schofetim niv, parole ou discours].
R. Salomon Jarchi a donc très bien interprété le mot neba ; mais il est repris à tort par Aben Ezra qui n’avait pas une si exacte connaissance de la langue hébraïque. Il faut noter, en outre, que le mot nevouah est un terme général et comprend tout genre de prophétie, tandis que les autres mots ont un sens plus particulier et s’appliquent à tel genre de prophétie ou à tel autre ; je crois cela assez connu des savants.
(retour)
NOTE II (au chap. II)
C’est-à-dire interprètes de Dieu. L’interprète est celui qui interprète les décrets de Dieu à d’autres à qui ils n’ont pas été révélés et qui, pour y donner leur adhésion, s’appuient sur la seule autorité du prophète. Si les hommes qui écoutent les prophètes devenaient prophètes, comme deviennent philosophes ceux qui écoutent des philosophes, le prophète ne serait pas un interprète des décrets divins, puisque ses auditeurs ne s’appuieraient plus sur le témoignage et l’autorité du prophète lui-même, mais eux aussi sur une révélation et un témoignage interne. C’est que le souverain est l’interprète du droit de son État parce que les lois données par lui sont maintenues par la seule autorité du souverain lui-même et son seul témoignage. (retour)
NOTE III (au chap. I)
Bien que certains hommes possèdent des dons que La Nature refuse aux autres, on ne dit cependant pas qu’ils dépassent la nature humaine, à moins que les caractères par où ils se distinguent, ne soient tels que l’on ne puisse les percevoir par la définition de la nature humaine. Par exemple, une taille de géant est rare et cependant humaine. Il est donné à fort peu d’hommes d’improviser des poèmes et cela cependant est humain, comme aussi d’imaginer certaines choses les yeux ouverts avec autant de vivacité que si on les avait devant soi. Au contraire, s’il se trouvait quelqu’un qui eût un autre moyen de percevoir et d’autres fondements de la connaissance, il dépasserait les limites de la nature humaine.(retour)
NOTE IV (au chap. III)
Il est raconté au chapitre XV de la Genèse que Dieu promit à Abraham qu’il serait son défenseur et lui donnerait une très ample rémunération ; à quoi Abraham répond qu’étant sans enfants à un âge déjà très avancé, il ne pouvait rien attendre de quelque importance. (retour)
NOTE V (au chap. III)
Que, pour la vie éternelle, il ne suffise pas d’observer les commandements de l’Ancien Testament, cela est manifeste par Marc (chap. X, v. 21). (retour)
NOTE VI (au chap. VI)
Nous doutons de l’existence de Dieu et en conséquence de tout, aussi longtemps que nous n’avons pas de Dieu lui-même une idée claire et distincte, mais une idée confuse. De même en effet que celui qui ne connaît pas droitement la nature du triangle, ne sait pas que ses trois angles égalent deux droits, de même celui qui conçoit la nature divine confusément, ne voit pas que l’existence lui appartient. Or, pour que la nature de Dieu puisse être conçue par nous clairement et distinctement, il est nécessaire d’avoir égard à certaines notions très simples qu’on nomme communes, afin d’enchaîner avec elles ce qui appartient à la nature divine ; alors seulement il devient clair pour nous que Dieu existe nécessairement et qu’il est partout ; et alors apparaît en même temps que tout ce que nous concevons, enveloppe en soi la nature de Dieu et est conçu par elle ; et enfin que tout ce que nous concevons clairement et distinctement, est vrai. Mais voyez sur ce point le Prolégomène du livre intitulé Principes de Philosophie démontrés suivant la méthode géométrique.
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NOTE VII (au chap. VII)
Je veux dire pour nous qui ne sommes pas accoutumés à cette langue et n’avons pas la connaissance de ces tours de phrase.
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NOTE VIII (au chap. VII)
Par choses percevables je n’entends pas seulement celles qui sont démontrées rigoureusement, mais aussi celles que nous avons accoutumé de saisir avec une certitude morale et d’entendre sans surprise, encore bien qu’elles ne puissent être démontrées. Les propositions d’Euclide sont perçues par le premier venu, avant d’être démontrées. De même j’appelle percevables et claires les histoires, tant celles qui se rapportent à l’avenir que celles qui se rapportent au passé, quand elles ne dépassent pas l’humaine créance, comme aussi les règles de droit, les institutions, les mœurs, bien que ces choses ne puissent être démontrées mathématiquement. J’appelle d’autre part non percevables les choses dites en termes obscurs et les histoires qui semblent dépasser les limites de la créance ; parmi ces dernières il s’en trouve cependant plusieurs dont une recherche conduite suivant notre méthode permet de percevoir le sens tel que l’a entendu l’auteur.
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NOTE IX (au chap. VIII)
C’est bien l’Historien qui désigne ainsi cette montagne, non Abraham ; il dit en effet : le lieu qui est appelé aujourd’hui il sera révélé sur la montagne de Dieu, Abraham l’a appelé : Dieu pourvoira.
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NOTE X (au chap. VIII)
Depuis ce temps jusqu’au règne de Joram où ils firent défection (Rois II, chap. VIII, v. 20), les Iduméens n’eurent pas de rois ; mais des gouverneurs militaires établis par les Juifs tinrent lieu de rois (voir Rois I, chap. XXII, v. 48) et par suite le gouverneur de l’Idumée fut appelé roi (Rois I, chap. III, v. 9). Maintenant le dernier des rois Iduméens commença-t-il de régner avant que Saül fût devenu roi, ou bien l’Écriture, dans ce chapitre de la Genèse, a-t-elle seulement voulu donner les noms des rois qui moururent sans avoir été vaincus ? Ce point peut être discuté. Au reste c’est pure frivolité que de vouloir compter, dans la série des rois Hébreux, Moïse qui établit un État soumis à Dieu seulement et entièrement opposé à un état monarchique.
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NOTE XI (au chap. IX)
Par exemple au deuxième livre des Rois (chap. XVIII, v. 20), on lit : tu as parlé, mais de la bouche seulement à la deuxième personne. Dans Isaïe (chap. XXXVI, v. 5) : j’ai dit, certes ce sont là des paroles, que l’on avait besoin à la guerre de conseil et de courage. Autre exemple : au verset 22 on lit : mais peut-être direz-vous, au pluriel, tandis que dans le texte d’Isaïe il y a le singulier. De plus, dans le texte d’Isaïe, on ne lit pas ces mots du verset 32 du chapitre cité : un pays d’oliviers qui portent de l’huile et un pays de miel ; vous vivrez et vous ne mourrez point. II y a de même beaucoup de leçons différentes entre lesquelles personne ne saura jamais laquelle doit être choisie.
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NOTE XII (au chap. IX)
Par exemple dans Samuel (II, chap. VII, v. 6) on lit : j’ai constamment erré çà et là avec une tente et un tabernacle, dans les Paralipomènes (I, chap. XVII, v.5) : j’ai été de tente en tente et de tabernacle... par le changement de quelques mots. Autre exemple : au verset 10 de ce chapitre de Samuel on lit : pour l’affliger, et dans les Paralipomènes (v. 9) : pour l’écraser. Et il y a ainsi plusieurs désaccords et de plus de gravité que pourra observer en lisant ces textes une fois seulement quiconque n’est pas tout à fait aveugle ni entièrement déraisonnable.
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NOTE XIII (au chap. IX)
Que ce texte ne concerne aucun autre temps que celui où Joseph fut vendu, cela ne ressort pas seulement du contexte, mais aussi de l’âge même de Juda qui était alors au plus dans sa vingt-deuxième année, si l’on peut calculer d’après le récit, du chapitre précédent. On voit en effet au chapitre XXIX, verset dernier, de la Genèse, que Juda naquit la dixième année, après que le Patriarche Joseph eut commencé de servir Laban, Joseph la quatorzième année. Puis donc que Joseph, quand il fut vendu, avait dix-sept ans, Juda en avait donc vingt et un, pas davantage. Par suite ceux qui croient que cette longue absence de Juda est antérieure à la vente de Joseph, sont volontairement dans l’illusion et montrent plus d’anxiété que de certitude au sujet de la divinité de l’Écriture.
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NOTE XIV (au chap. IX)
Pour ce que pensent quelques-uns, que Jacob mit huit à dix ans à son voyage de la Mésopotamie à Béthel, cela sent la sottise, sauf le respect que je dois à Aben Ezra. Non seulement en effet, à cause du désir qu’il avait sans doute de voir ses parents [d’un âge très avancé], mais aussi pour acquitter le vœu [qu’il avait fait en fuyant son frère] (voir Gen., chap. XXVIII, v. 10, et chap. XXXI, v. 13, [et chap. XXXV, v. 1]), il se hâta autant qu’il put [et Dieu l’avertit aussi qu’il eût à acquitter son vœu (Genèse, chap. XXXI, vs. 3 et 13) et lui promit son secours pour le ramener dans sa patrie]. Que si cependant on préfère ces conjectures à des raisons, soit, j’y consens : Jacob a mis huit à dix ans à son voyage, ou davantage si l’on veut, et, ayant moins de chemin à faire, a été plus contrarié qu’Ulysse par le destin. On ne peut nier du moins que Benjamin ne soit né la dernière année de ce voyage, c’est-à-dire, suivant leur hypothèse, la quinzième ou la seizième année environ après la naissance de Joseph. Car Jacob prit congé de Laban sept ans après la naissance de Joseph ; or depuis l’année où Joseph atteignit ses dix-sept ans jusqu’au moment où le patriarche lui-même s’en vint en Égypte, on ne peut compter plus de vingt-deux ans, comme nous l’avons montré dans ce même chapitre. Donc Benjamin en ce temps, c’est-à-dire quand il partit pour l’Égypte, avait au plus vingt-trois à vingt-quatre ans ; or à cette fleur de l’âge il aurait eu des petits-enfants (comparer le texte de la Genèse, chapitre XLVI verset 21. avec les versets 38, 39, 40 du chapitre XXVI des Nombres, et avec les verset 1 et suivants du chapitre VIII, livre I, des Paralipomènes). Car Bela, premier-né de Benjamin avait engendré déjà deux fils, Ared et Naaman. Cela n’est pas moins contraire à la Raison que la violence faite à Dina à sept ans et les autres invraisemblances que nous avons relevées dans cette histoire. Il apparaît ainsi que des gens malhabiles, quand ils tentent de se tirer de certaines difficultés, tombent dans d’autres et rendent leur situation de plus en plus inextricable.
(retour)
NOTE XV (au chap. IX)
C’est-à-dire en d’autres termes, et dans un autre ordre, qu’ils ne se trouvent au livre de Josué [1].
(retout)
NOTE XVI (au chap. IX)
Le Rabbin Levi ben Gerson et d’autres croient que ces quarante ans passés en liberté d’après l’Écriture partent de la mort de Josué, et ainsi comprennent les huit années que dura la domination de Chusan Rishataïm ; que de même les dix-huit suivantes doivent être comprises dans le compte des quatre-vingts années pendant lesquelles Aod et Samgar furent juges, et ils comprennent ainsi les années de servitude dans les années que l’Écriture atteste que les Hébreux passèrent en liberté. Comme toutefois l’Écriture donne expressément le compte des années de servitude et celui des années de liberté et raconte au chapitre II, verset 18, que, sous les Juges, les affaires des Hébreux furent toujours prospères, on voit clairement que ce Rabbin, homme d’ailleurs d’une très grande érudition, et les autres qui ont suivi ses pas, en essayant de résoudre ces difficultés, corrigent l’Écriture plutôt qu’ils ne l’expliquent. Il en est de même de ceux qui admettent que l’Écriture, en supputant le total général des années écoulées depuis la sortie d’Égypte, a voulu compter seulement les périodes pendant lesquelles il y a eu un État juif régulier ; elle n’aurait pu introduire dans ce calcul, d’après eux, les années d’anarchie et de servitude, les tenant pour années de malheur et en quelque sorte d’interrègne. Or il est bien vrai que l’Écriture passe sous silence les temps d’anarchie, mais elle n’a pas accoutumé de rayer dans ses annales les années de servitude dont elle nous donne le compte tout aussi bien que des années de liberté ; ces explications sont donc de simples rêveries. Qu’Esdras au livre I des Rois ait voulu comprendre, dans le nombre qu’il donne, toutes les années écoulées depuis la sortie d’Égypte, c’est chose tellement manifeste que nul homme versé dans l’Écriture n’en a jamais douté. Sans même reproduire les mots du texte, on voit bien que la généalogie de David, donnée à la fin du livre de Ruth et dans les Paralipomènes (liv. I, chap. II) permet difficilement d’arriver à un total aussi grand. Car Nahasson était chef de la tribu de Juda deux ans après la sortie d’Égypte (voir Nombres, chap. VII, vs. 11 et 12) et mourut en conséquence dans le désert ; son fils Salomon, suivant la généalogie de David, fut le trisaïeul de David. Si de cette somme de 480 ans on retranche 4 années du règne de Salomon, 70 pendant lesquelles vécut David, et 40 passées dans le désert, on trouve que David est né 366 ans après la traversée du Jourdain, et il faut en conséquence que son père, son grand-père, son bisaïeul et son trisaïeul aient engendré alors que chacun avait quatre-vingt-dix ans.
(retour)
NOTE XVII (au chap. IX)
On peut douter si ces vingt ans se doivent rapporter aux années de liberté, ou s’ils sont compris dans les quarante qui précèdent immédiatement, pendant lesquels le peuple fut sous le joug des Philistins. Pour moy j’avoue que j’y vois plus de vraisemblance, et qu’il est plus croyable que les Hébreux recouvrèrent leur liberté lorsque les plus considérables d’entre les Philistins périrent avec Samson. Aussi n’ay-je rapporté ces vingt ans de Samson à ceux pendant lesquels dura le joug des Philistins, que par ce que Samson nasquit depuis que les Philistins eurent subjugué les Hébreux, outre qu’au traité du Sabbat il est fait mention d’un certain livre de Jérusalem, où il est dit que Samson jugea le peuple quarante ans ; mais la question n’est pas de ces années seulement [2].
(retour)
NOTE XVIII (au chap. IX)
Sans quoi l’on corrige plutôt qu’on n’explique les mots de l’Écriture.
(retour)
NOTE XIX (au chap. IX)
Cariathiarim est appelé aussi Bahgal Juda, ce qui a permis à Kimhi et à d’autres de supposer que les mots Bahgale Jehuda que j’ai traduis du peuple de Juda étaient le nom de la ville ; ils se trompent, attendu que le mot Bahgale est au pluriel. De plus, si l’on rapproche ce texte de Samuel de celui des Paralipomènes, I, l’on verra que David ne se leva pas pour partir de Bahgal, mais pour y aller. Si l’auteur du livre de Samuel avait voulu indiquer le lieu d’où David emporta l’arche, il aurait dit en hébreu : et David se leva et il partit, etc., de Baghal Juda et emporta de là l’arche de Dieu.
(retour)
NOTE XX (au chap. IX)
Ceux qui se sont meslez de commenter ce Texte, l’ont corrigé de cette sorte : et Abraham s’enfuit et se retira chez Ptolomée, fils de Hamihud, Roy de Gesur, où il demeura trois ans, et David pleura son fils tout le temps qu’il fut à Gesur. Mais si c’est là ce qu’on appelle interpréter, et s’il est permis de se donner cette licence dans l’exposition de l’Escriture, et de transposer de la sorte des phrases tout entières soit en ajoutant, soit en retranchant quelque chose, j’avoue qu’il est permis de corrompre l’Escriture, et de luy donner comme à un morceau de cire autant de formes que l’on voudra. [3]
(retour)
NOTE XXI (au chap. X)
Cette conjecture naît, si l’on peut appeler conjecture une certitude, de la suite de la généalogie du roi Jéchonias qui est donnée dans les Paralipomènes (liv. I, chap. III) et poursuivie jusqu’aux fils d’Eliohenaï, qui étaient issus de lui à la treizième génération ; il faut noter aussi que ce Jéchonias n’avait pas d’enfant quand il fut emmené en captivité, mais il paraît en avoir eu pendant sa captivité, autant qu’on peut le conjecturer par les noms qu’il leur donna. Pour les petits-fils, d’après leurs noms, il paraît les avoir eus après sa libération : ainsi Phadaïa (ce qui veut dire Dieu a libéré) que l’on dit dans ce chapitre être le père de Zorobabel, est né trente-sept ou trente-huit ans après le commencement de la captivité de Jéchonias, c’est-à-dire trente-trois ans avant que Cyrus fît grâce aux Juifs ; conséquemment Zorobabel, que Cyrus avait donné comme gouverneur aux Juifs, semble avoir eu à ce moment treize ou quatorze ans au plus. J’ai mieux aimé passer cela sous silence pour des causes que la gravité des temps ne permet pas d’expliquer. Mais, pour les hommes éclairés, une indication suffit : qu’ils veuillent bien suivre avec un peu d’attention cette descendance de Jéchonias donnée au chapitre III du livre I des Paralipomènes, depuis le verset 17 jusqu’à la fin du chapitre et comparer le texte hébreu avec la version dite les Septante, ils verront sans difficulté que le texte de ces livres a été établi après la deuxième restauration de la Ville par Judas Machabée, date à laquelle les descendants de Jéchonias perdirent le principiat, non avant.
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NOTE XXII (au chap. X)
Ainsi personne n’aurait pu soupçonner que la prophétie d’Ezéchiel fût en contradiction avec la prédiction de Jérémie, tandis que tous l’ont conjecturé d’après le récit de Josèphe, jusqu’à ce que l’événement eût fait connaître que tous deux avaient prédit la vérité.
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NOTE XXIII (au chap. X)
L’historien lui-même atteste que la plus grande partie de ce livre est prise de celui qu’écrivit Néhémie (chap. I, v. 1). Mais le récit fait du chapitre VIII jusqu’au chapitre XII, verset 26, et en outre les deux derniers versets du chapitre XII, qui sont introduits en manière de parenthèse dans les paroles de Néhémie sont indiscutablement ajoutés par l’historien lui même qui vécut après Néhémie.
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NOTE XXIV (au chap. X)
Esdras était l’oncle du premier grand-pontife Josué (voir Esdras, chap. VII, v. 1, et I, Paralip., chap. VI, v. 14, 15) et il partit de Babylone pour Jérusalem avec Zorobabel (voir Néhémie, chap. XII, v. 1). Mais il semble, quand il vit les affaires des Juifs se gâter, avoir regagné Babylone ; ce que firent d’autres aussi, comme on le voit dans Néhémie (chap I, v. 2), et y être resté jusqu’au règne d’Artaxercès ; ayant alors obtenu ce qu’il voulait, il revint à Jérusalem. Néhémie aussi partit pour Jérusalem avec Zorobabel au temps de Cyrus (Voir Esdras, chap. II, v. 2 et 63, et rapprocher Néhémie, chap. X, v. 9, et chap. X, v. 1). Car les interprètes ne justifient par aucun exemple la traduction du mot Athersatha par légat, tandis qu’il est certain qu’aux Juifs qui fréquentaient à la cour du roi, on donnait des noms nouveaux. Ainsi Daniel était appelé Baltassar, Zorobabel Sabbassar (voir Daniel, chap. I, v. 7 ; Esdras, chap. I, v. 8, et chap. V, v. 14) et Néhémie Athersatha. Mais, à raison de son office, on avait accoutumé de le saluer du nom de pehah, procurateur, c’est-à-dire gouverneur (voir Néhémie, chap. V, v. 14, et chap. XII, v. 26). Il est donc certain qu’Atirsatha est un nom propre, comme Hatselelphoni, Hatsoboba (Paralip., I, chap. IV, v. 3, 8), Halloghes (Néhémie, chap. X, v. 25) et ainsi du reste [4].
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NOTE XXV (au chap. X)
La synagogue appelée grande ne commença d’exister qu’après la conquête de l’Asie par les Macédoniens. Ce qu’admettent Maïmonide, R. Abraham ben David, et d’autres, que les présidents de ce conseil furent Esdras, Daniel, Néhémie, Aggée, Zacharie, etc., est une fiction ridicule et ne s’appuie sur aucun autre fondement que la tradition rabbinique, d’après laquelle l’empire des Perses aurait existé trente-quatre ans, pas davantage. Ils n’ont aucun autre moyen de prouver que les décrets de cette grande synagogue, ou de ce synode, composé de Pharisiens seulement, aient été recueillis de la bouche des prophètes, qui les auraient reçus d’autres prophètes, et, en remontant ainsi, de Moïse, lequel les aurait transmis oralement et non par écrit. Les Pharisiens ont beau s’entêter dans cette croyance, comme c’est leur coutume, les gens éclairés qui connaissent les causes de la formation des conseils et des synodes, et aussi les controverses des Pharisiens et des Saducéens pourront facilement conjecturer la raison pour laquelle cette grande synagogue, c’est-à-dire ce conseil, a été constituée. Ce qui est sûr, c’est que le conseil n’a pas compté de prophètes parmi ses membres et que les décrets des Pharisiens, auxquels ils donnent le nom de tradition, reçurent leur autorité du conseil lui-même.
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NOTE XXVI (au chap. XI)
Les interprètes traduisirent le mot λογίζομαι, dans ce passage, par je conclus, et veulent que Paul l’ait employé dans le sens de ςυλλογίζομαι, alors que λογίζομαι en grec a le même sens que hashab en hébreu, c’est-à-dire compter, penser, estimer ; signification qui s’accorde parfaitement avec le texte syriaque. La version syriaque en effet (si tant est que ce soit une version, ce qui est douteux, puisque nous ne connaissons ni le traducteur ni la date à laquelle la version aurait paru, et que la langue maternelle des Apôtres n’était autre que le syriaque) rend ce texte comme il suit metraghenan hochil, ce que Tremellius traduit fort bien : nous jugeons donc. Le mot rehgjon en effet, d’où ce verbe est formé, signifie : qui a jugé ; car rehgjono (en hébreu rahgava) a le sens de volonté ; donc metraghenan veut dire nous voulons ou jugeons.
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NOTE XXVII (au chap. XI)
A savoir celle que Jésus-Christ avait enseigné sur la montagne, et dont saint Matthieu fait mention au chapitre V, et suivans [5].
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NOTE XXVIII (au chap. XV)
Voir l’ouvrage intitulé Philosophia Interpres Scripturae, p. 75.
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NOTE XXIX (au chap. XV)
Voir même ouvrage, p. 76.
(retour)
NOTE XXX (au chap. XV)
Voir même ouvrage, p. 113.
(retour)
NOTE XXXI (au chap. XV)
C’est-à-dire la Révélation seule, et non la Raison, peut enseigner qu’il suffit pour le salut, en d’autres termes pour la béatitude, d’embrasser ces décrets divins comme des règles imposées ou des commandements et qu’il n’est pas nécessaire de les concevoir comme des vérités éternelles ; cela est établi par les démonstrations données au chapitre IV.
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NOTE XXXII (au chap. XVI)
Dans l’état de société où le droit commun décide du bien et du mal, on distingue avec raison une bonne ruse d’une mauvaise. Mais dans l’état de nature, où chacun est son propre juge et a le droit souverain de se prescrire à lui-même des lois et de les interpréter, et même de les abroger s’il le juge préférable, on ne peut concevoir que quelqu’un agisse par mauvaise ruse.
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NOTE XXXIII (au chap. XVI)
Dans quelle cité qu’il vive, l’homme peut être libre : car il est certain qu’un homme est libre dans la mesure où il est conduit par la Raison. Mais (observez bien que Hobbes soutient une thèse différente) la Raison est du tout conseillère de paix ; et la paix ne peut être maintenue qu’autant que les lois communes de la cité ne sont pas violées. Donc plus un homme est conduit par la Raison, c’est-à-dire plus il est libre, plus constamment il observera les lois de la cité et exécutera les commandements du souverain dont il est sujet.
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NOTE XXXIV (au chap. XVI)
Quand Paul dit que les hommes sont sans refuge, il parle à la manière humaine. Car, au chapitre IX de la même Épître, il enseigne expressément que Dieu fait miséricorde à qui il veut et endurcit qui il veut, et que la seule cause pour laquelle les hommes sont inexcusables, c’est qu’ils sont au pouvoir de Dieu comme l’argile au pouvoir du potier qui, d’une même masse, façonne des vases, l’un à honneur, l’autre à déshonneur ; cette cause n’est pas qu’ils ont reçu un avertissement préalable. Quant à la loi divine naturelle dont nous avons dit que le précepte suprême est d’aimer Dieu, je l’ai appelée une loi dans le sens où les philosophes nomment lois les règles communes de la nature suivant lesquelles tout arrive. L’amour de Dieu en effet n’est pas l’obéissance, mais est une vertu appartenant nécessairement à l’homme qui connaît Dieu directement. Or l’obéissance a rapport à la volonté de celui qui commande, non à la nécessité et à la vérité de la chose. Puis donc que nous ignorons la nature de la volonté de Dieu et savons en revanche avec certitude que tout ce qui arrive, arrive par la seule puissance de Dieu, nous ne pouvons en aucune façon savoir, sinon par Révélation, si Dieu veut que les hommes lui rendent un culte et l’entourent d’honneurs comme un prince. Ajoutez que, nous l’avons montré, les lois de Dieu nous semblent des règles imposées et des institutions aussi longtemps que nous en ignorons les causes ; quand cette cause nous est connue, elles cessent aussitôt d’être des règles imposées et nous les embrassons comme des vérités éternelles, non plus comme des commandements, c’est-à-dire que l’obéissance aussitôt fait place à l’amour, lequel naît de la connaissance vraie aussi nécessairement que la lumière naît du soleil. Sous la conduite de la Raison nous pouvons donc bien aimer Dieu, mais non lui obéir puisque nous ne pouvons par la Raison ni accepter comme divines, aussi longtemps que nous en ignorons la cause, les règles posées par Dieu, ni concevoir Dieu comme un prince établissant des lois.
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NOTE XXXV (au chap. XVII)
Deux soldats prirent sur eux de transférer l’Empire des Romains, et ils le transférèrent (Tacite, Hist., liv. 1).
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NOTE XXXVI (au chap. XVII)
Dans ce passage deux hommes sont accusés d’avoir prophétisé dans le camp et Josué propose de les arrêter ; il ne l’eût pas fait s’il avait été loisible à chacun, sans le commandement de Moïse, de donner au peuple les réponses de Dieu. Mais il plut à Moïse d’absoudre les coupables et il reprocha à Josué de lui avoir conseillé de maintenir son droit de souverain dans un temps où il éprouvait un tel dégoût du pouvoir qu’il eût mieux aimé mourir que régner seul, comme on le voit par le verset 14 de ce même chapitre. Et il répondit à Josué : T’enflammes-tu pour ma cause ? Plût à Dieu que tout le peuple fût prophète ; c’est-à-dire plût à Dieu que le droit de consulter Dieu fût de telle sorte que le pouvoir appartînt au peuple même. Josué donc ne se trompa point sur le droit de Moïse, mais eut le tort de n’avoir point égard à l’opportunité ; c’est pourquoi il fut réprimandé par Moïse comme Abisée par David, quand Abisée donna à ce roi l’avis de condamner à mort Shimhi qui était certainement coupable de lèse-majesté. (Voir Samuel, II, chap. XIX, vs. 22, 23.)
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NOTE XXXVII (au chap. XVII)
Les interprètes, à ce qu’il me paraît, traduisent mal les versets 19 et 23 de ce chapitre. Car les versets 19 et 23 ne signifient pas qu’il donna des préceptes à Josué ou l’en munit, mais qu’il le fit ou le constitua chef suprême, ce qui est fréquent dans l’Écriture ; ainsi dans l’Exode (chap. XVIII, v. 23), Samuel (I, chap. XIII, v. 15), Josué (chap. I, v. 9) et Samuel (I, chap. XXV, v. 30), etc.
Plus les interprètes s’efforcent de rendre mot à mot le verset 19 et le 23 de ce chapitre, moins ils le rendent intelligible ; et je suis assuré que très peu de personnes en entendent le véritable sens ; car la plupart se figurent que Dieu commande à Moyse, au verset 19, d’instruire Josué en présence de l’Assemblée ; et au verset 23, qu’il luy imposa les mains, et l’instruisit ; ne prenant pas garde que cette façon de parler est fort en usage chez les hébreux pour déclarer que l’élection du Prince est légitime, et qu’il est confirmé dans sa charge. C’est ainsi que parle Jetro en conseillant à Moyse de choisir des coadjuteurs qui l’aidassent à juger le peuple : Si tu fais cecy (dit-il), alors Dieu te commandera ; comme s’il disait que son autorité sera ferme, et qu’il pourra subsister touchant quoy, voyez l’Exode (chap. XVIII, v. 23) et le I livre de Samuel (chap. XIII, v. 15) et le chapitre XXV, verset 30, et surtout le chapitre I de Josué au verset 9, où Dieu luy dit : Ne t’ay-je pas commandé ? prends courage et montre-toy homme de cœur ; comme si Dieu lui disoit : N’est-ce pas moy qui t’ay constitué Prince ? ne t’espouvante donc de rien, car je seray partout avec toy [6].
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NOTE XXXVIII (au chap. XVII)
Les Rabbins attribuent par fiction à Moïse l’institution de ce qu’on appelle vulgairement le grand Sanhédrin ; et non pas seulement les Rabbins, mais la plupart des Chrétiens qui disent des inepties tout comme les Rabbins. Il est bien vrai que Moïse élut 70 coadjuteurs pour s’occuper avec lui des affaires de l’État, parce qu’il ne pouvait supporter à lui seul la charge de tout un peuple ; mais il ne fit jamais de loi sur l’institution d’un collège de soixante-dix membres ; au contraire, il ordonna que chaque tribu, dans les villes que Dieu lui avait assignées, établît des juges pour régler les litiges, suivant les lois que lui-même avait faites ; s’il arrivait que les juges eux-mêmes eussent des doutes sur le droit, ils devaient aller consulter le souverain Pontife (c’est-à-dire le suprême interprète des lois) ou le juge auquel à ce moment ils étaient subordonnés (car c’était à lui que revenait le droit de consulter le souverain Pontife), pour régler le litige suivant l’explication du pontife. S’il arrivait que le juge subordonné prétendit n’être pas tenu de rendre sa sentence suivant l’opinion du souverain Pontife, qu’il l’eût d’ailleurs reçue de lui ou qu’elle lui eût été transmise par son souverain, il était condamné à mort, et la condamnation était prononcée par le juge suprême alors en fonction, duquel il tenait son propre établissement (voir Deuter., chap. XVII et IX). Ce juge suprême put être tel que Josué, commandant en chef de tout le peuple israélite, ou tel que le chef d’une tribu, auquel appartint, après la division, le droit de consulter le souverain Pontife sur les affaires de sa tribu, sur la guerre et la paix, les villes à prendre, les juges à établir, etc. ; il put être aussi le roi auquel toutes les tribus ou quelques-unes avaient transféré leurs droits. Pour établir cela, je pourrais alléguer plusieurs témoignages pris dans les Histoires, mais j’en produirai un seulement qui est le principal. Quand le prophète de Silo élut roi Jéroboam, par cela même il lui donna le droit de consulter le pontife, d’établir des juges ; et d’une manière générale, tous les droits que Roboam conserva pour deux tribus, Jéroboam les obtint pour les dix autres. C’est pourquoi du même droit, qu’avait Josaphat à Jérusalem (voir Paralip., II, chap. XIX, vs. 8 et suiv.), Jéroboam pouvait, dans son palais, constituer un conseil suprême de l’État. Il est certain en effet que Jéroboam, roi par mandat de Dieu, et conséquemment ses sujets, n’étaient pas tenus, suivant la loi de Moïse, de comparaître devant Roboam et de le reconnaître comme juge ; encore bien moins devant le tribunal, constitué à Jérusalem par Roboam et qui lui était subordonné. Dès que l’empire des Hébreux eut été divisé, il y eut tout autant de conseils suprêmes que d’États distincts. Quand on n’a pas égard à la diversité des états par lesquels ont passé les Hébreux et qu’on les confond tous en un seul, on se trouve engagé dans des difficultés inextricables.
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NOTE XXXIX (au chap. XIX)
Il faut ici avoir égard avant tout à ce que nous avons dit du droit au chapitre XVI.
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