Traité politique, III, §13



Cela peut se connaître plus clairement en considérant que deux Cités sont naturellement ennemies : les hommes, en effet (suivant le § 14 du chapitre précédent), à l’état de nature sont ennemis. Ceux donc qui, en dehors de la Cité, conservent le droit de nature, demeurent ennemis. Si, par suite, une Cité veut faire la guerre à une autre, et recourir aux moyens extrêmes pour la mettre sous sa dépendance, elle a le droit de le tenter, puisque pour faire la guerre il lui suffit d’en avoir la volonté. Au contraire il n’est pas possible de décider de la paix sinon avec le concours et la volonté de l’autre Cité. De là cette conséquence : que le droit de la guerre appartient à chaque Cité, et qu’au contraire, pour fixer le droit de la paix, il faut au moins deux Cités qui seront dites liées par un traité ou confédérées.


Traduction Saisset :

Mais cela peut être compris plus clairement, si nous considérons que deux États sont naturellement ennemis. Les hommes, en effet, dans la condition naturelle sont ennemis les uns des autres (par l’article 14 du chapitre précédent) ; ceux donc qui, ne faisant point partie d’un même État gardent vis-à-vis l’un de l’autre les rapports du droit naturel, restent ennemis. C’est pourquoi, si un État veut déclarer la guerre à un autre État et employer les moyens extrêmes pour se l’assujettir, il peut l’entreprendre à bon droit, puisque pour faire la guerre il n’a besoin que de le vouloir. Il n’en est pas de même pour la paix ; car un État ne peut la conclure qu’avec le consentement d’un autre État. D’où il suit que le droit de la guerre appartient à tout État, et que le droit de la paix n’appartient pas à un seul État, mais à deux pour le moins, lesquels reçoivent en pareil cas le nom d’États confédérés.


Haec autem clarius intelligi possunt, si consideremus, quod duae civitates natura hostes sunt. Homines enim (per art. 14. praeced. cap.) in statu naturali hostes sunt. Qui igitur ius naturae extra civitatem retinent, hostes manent. Si itaque altera civitas alteri bellum inferre et extrema adhibere media velit, quo eam sui iuris faciat, id ei iure tentare licet, quandoquidem, ut bellum geratur, ei sufficit eius rei habere voluntatem. At de pace nihil statuere potest, nisi connivente alterius civitatis voluntate. Ex quo sequitur iura belli uniuscuiusque civitatis esse ; pacis autem non unius, sed duarum ad minimum civitatum esse iura, quae propterea confoederatae dicuntur.