Traité politique, VI, 26



Pour administrer la justice un autre conseil sera formé des seuls juristes, dont l’office est de régler les différends et de prononcer des peines contre les délinquants ; toutefois toutes les sentences rendues par eux doivent être approuvées par la commission permanente remplaçant le grand conseil qui examinera si ces sentences auront été rendues en conformité des règles du droit et avec impartialité. Si l’une des parties, celle qui aura perdu son procès, peut montrer que l’un des juges s’est laissé corrompre par un présent de l’adversaire, ou avait quelque raison de lui vouloir du bien ou de haïr le plaignant, ou si, enfin, les formes légales n’ont pas été observées, l’affaire devra être entièrement reprise. Peut-être ces dispositions paraîtront inacceptables à ceux qui, lorsqu’il s’agit d’une affaire criminelle, ont coutume de convaincre un coupable moins par des arguments que par la torture. Pour moi cependant je ne conçois pas de procédure autre que celle qui s’accorde avec le meilleur gouvernement de la Cité.


Traduction Saisset :

On formera, pour l’administration de la justice, un autre Conseil, composé de tous les jurisconsultes, et dont l’office consistera à terminer les procès et à infliger des peines aux délinquants, avec cette condition toutefois que tous les arrêts devront être approuvés par les membres qui tiennent la place du grand Conseil, lesquels s’assureront que les sentences ont été rendues régulièrement et sans acception de parties. Que si une partie, qui a perdu sa cause, peut démontrer que l’un des juges a reçu des présents de la partie adverse, ou qu’il a pour elle quelque autre motif de bienveillance, ou qu’il a des motifs de haine contre la partie condamnée, ou enfin qu’il y a quelque irrégularité dans le jugement, il faudra remettre le procès comme avant l’arrêt. Voilà des règles qui ne pourraient probablement pas être pratiquées dans un État où, dès qu’il y a une accusation, on se sert pour convaincre l’accusé, non de preuves, mais de tortures ; pour moi, je ne conçois pas ici d’autre forme de justice que celle qui s’accorde avec le meilleur régime de l’État.


Ad iustitiam administrandam concilium aliud ex solis iurisperitis est formandum, quorum officium sit lites dirimere et poenas ex deliquentibus sumere ; sed ita ut omnes sententiae, quas tulerint, ab iis, qui concilii magni vicem supplent, probari debeant, num scilicet servato rite in iudicando ordine prolatae fuerint et absque partium studio. Quod si quae pars, quae causa cecidit, ostendere poterit, aliquem ex iudicibus munere aliquo corruptum fuisse ab adversario, vel aliam communem causam amicitiae erga eundem, vel odii erga ipsum habere, vel denique quod communis iudicandi ordo non fuerit servatus, ea in integrum restituatur. Sed haec forsan observari non possent ab iis, qui, quando quaestio de crimine est, non tam argumentis, quam tormentis reum convincere solent. Verum nec ego hic alium in iudicando ordinem concipio praeter eum, qui cum optimo civitatis regimine convenit.