Traité politique, VIII, §19



Comme le pouvoir souverain appartient à l’assemblée des patriciens prise dans sa totalité, mais non à chacun de ses membres (sans quoi ce serait une foule sans ordre), il est nécessaire que tous les patriciens soient contraints par les lois à former un corps unique dirigé par une pensée commune. Mais les lois par elles-mêmes n’ont pas la force requise et sont aisément violées quand leurs défenseurs sont ceux-là même qui peuvent les enfreindre et qu’il n’y a pour réfréner leur appétit que l’exemple du supplice infligé par eux-mêmes à leurs collègues, ce qui est tout à fait absurde ; il y a donc lieu de chercher un moyen propre à assurer le maintien par le corps des patriciens de l’ordre et des lois de l’État, tout en conservant autant que possible l’égalité entre les patriciens.


Traduction Saisset :

Cependant, comme le souverain pouvoir est aux mains de l’Assemblée tout entière et non de chacun de ses membres (car autrement elle ne serait plus qu’une multitude en désordre), il est nécessaire que les patriciens soient si étroitement liés entre eux par les lois qu’ils ne composent qu’un seul corps, régi par une seule âme. Or les lois toutes seules sont par elles-mêmes de faibles barrières et faciles à briser, quand surtout les hommes chargés de veiller à leur conservation sont ceux-là même qui peuvent les violer et qui sont tenus de se maintenir réciproquement dans l’ordre par la crainte du châtiment. Il y a donc là un cercle vicieux énorme, et nous devons chercher un moyen de garantir la constitution de l’Assemblée et les lois de l’État, de telle sorte cependant qu’il y ait entre les patriciens autant d’égalité que possible.


Attamen, quia summa huius imperii potestas penes universum hoc concilium, non autem penes unumquodque eiusdem membrum est (nam alias coetus esset inordinatae multitudinis), necesse ergo est, ut Patricii omnes Legibus ita astringantur, ut unum veluti corpus, quod una regitur mente, componant. At leges per se solae invalidae sunt et facile franguntur, ubi earum vindices ii ipsi sunt, qui peccare possunt, quique soli exemplum ex supplicio capere debent et collegas ea de causa punire, ut suum appetitum eiusdem supplicii metu frenent, quod magnum est absurdum. Atque adeo medium quaerendum est, quo supremi huius concilii ordo et imperii iura inviolata serventur, ita tamen, ut inter patricios aequalitas, quanta dari potest, sit.