Traité politique, X, §07



Si nous considérons les principes fondamentaux des deux États aristocratiques décrits dans les deux chapitres précédents [1], nous verrons que cela même en est une conséquence. Le nombre des gouvernants dans l’un et dans l’autre est assez grand pour que la majorité des riches ait accès au gouvernement et aux hautes charges de l’État. S’il est décidé en outre (comme nous l’avons dit au § 47 du chapitre VIII) que les patriciens insolvables seront considérés comme déchus et que ceux qui auront perdu leur bien par suite d’un malheur seront rétablis dans leur situation, il n’est pas douteux que tous, autant qu’ils le pourront, tâcheront de conserver leur avoir. Ils ne voudront pas vivre à la manière des étrangers et ne prendront pas en mépris les coutumes de la patrie s’il est établi que les patriciens et les candidats aux charges publiques se distinguent par un vêtement particulier : voir sur ce point les §§ 25 et 47 du chapitre VIII. L’on peut en tout État trouver d’autres dispositions en accord avec la nature des lieux et le caractère de la nation et, en pareille matière, il faut veiller avant tout à ce que les sujets s’y conforment de leur propre gré plutôt que par l’effet d’une contrainte légale.


Traduction Saisset :

Si donc nous considérons les lois fondamentales des deux formes de l’aristocratie que nous avons exposées dans les deux chapitres précédents , nous verrons que c’est cela même qui en résulte. En effet le nombre des gouvernants dans l’une et dans l’autre de ces deux formes d’aristocratie doit être assez grand pour que la plus grande partie des riches ait accès au gouvernement et aux dignités de l’État. Si, en outre (comme nous l’avons dit à l’article 47 du chapitre VIII), on pose en principe que les patriciens qui doivent plus qu’ils ne peuvent payer seront chassés de l’ordre des patriciens, et que ceux qui auront perdu leurs biens par un revers de fortune seront rétablis au contraire dans leur première condition, nul doute que tous les patriciens ne s’efforcent de conserver leurs biens, autant qu’ils le pourront. Ils n’auront aucun goût pour les usages étrangers, aucun dédain de ceux de la patrie, s’il y a une loi qui commande de distinguer des autres citoyens les patriciens et ceux qui sont dans les honneurs par un vêtement particulier. Voyez à ce sujet les articles 25 et 47 du chapitre VIII. Il est possible d’imaginer pour chaque gouvernement d’autres lois en rapport avec la nature des lieux et le génie de la nation ; mais ce à quoi il faut veiller avant tout, c’est à engager les citoyens à faire leur devoir d’eux-mêmes plutôt que sous la contrainte des lois.


Si itaque ad fundamenta utriusque imperii Aristocratici, quae praeced. duobus capp. explicui, attendamus, hoc ipsum ex iisdem sequi videbimus. Numerus enim regentium in utroque adeo magnus est, ut divitum maximae parti aditus ad regimen pateat et ad imperii honores adipiscendos. Quod si praeterea (uti diximus art. 47. cap. 8.) statuatur, ut patricii, qui plus debent, quam sunt solvendo, ordine patricio deturbentur, et qui bona sua infortunio perdiderunt, ut in integrum restituantur, non dubium est, quin omnes, quantum poterunt, conabuntur bona sua conservare. Peregrinos praeterea habitus nunquam concupiscent, nec patrios fastidient, si lege constituatur, ut patricii et qui honores ambiunt, singulari veste dignoscantur : de quo vide art. 25. et 47. cap. 8. Et praeter haec alia in quocumque imperio cum natura loci et gentis ingenio consentanea excogitari possunt, et in eo apprime vigilari, ut subditi magis sponte, quam lege coacti suum officium faciant.