1991 : "Heidegger s’est perdu dans les chemins de la reterritorialiation", par Deleuze et Guattari.

25 avril 2005

C’est une position complexe, ambiguë, celle de beaucoup d’auteurs par rapport à la démocratie. L’affaire Heidegger est venue compliquer les choses : il a fallu qu’un grand philosophe se reterritorialise effectivement sur le nazisme pour que les commentaires les plus étranges se croisent, tantôt pour mettre en cause sa philosophie, tantôt pour l’absoudre au nom d’arguments si compliqués et contournés qu’on reste songeur. Ce n’est pas toujours facile d’être heideggérien. On aurait mieux compris qu’un grand peintre, un grand musicien tombent ainsi dans la honte (mais justement ils ne l’ont pas fait). Il a fallu que ce soit un philosophe, comme si la honte devait entrer dans la philosophie même. Il a voulu rejoindre les Grecs par les Allemands, au pire moment de leur histoire : qu’y a-t-il de pire, disait Nietzsche, que de se trouver devant un Allemand quand on attendait un Grec ? Comment les concepts (de Heidegger) ne seraient-ils pas intrinsèquement souillés par une reterritorialisation abjecte ? A moins que tous les concepts ne comportent cette zone grise et d’indiscernabilité où les lutteurs se confondent un instant sur le sol, et où l’œil fatigué du penseur prend l’un pour l’autre : non seulement l’Allemand pour un Grec, mais le fasciste pour un créateur d’existence et de liberté. Heidegger s’est perdu dans les chemins de la reterritorialiation, car ce sont des chemins sans balise ni parapet. Peut-être ce strict professeur était-il plus fou qu’il ne paraissait. Il s’est trompé de peuple, de terre, de sang. Car la race appelée par l’art ou la philosophie n’est pas celle qui se prétend pure, mais une race opprimée, bâtarde, inférieure, anarchique, nomade, irrémédiablement mineure.

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