EIII - Proposition 19
Qui imagine que ce qu’il aime est détruit, sera contristé ; et joyeux, s’il l’imagine conservé.
DÉMONSTRATION
L’Âme, autant qu’elle peut, s’efforce d’imaginer ce qui accroît ou seconde la puissance d’agir du Corps (Prop. 12), c’est-à-dire (Scolie de la Prop. 13) ce qu’elle aime. Mais l’imagination est secondée par ce qui pose l’existence de la chose, et réduite au contraire par ce qui l’exclut (Prop. 17, p. II) ; donc les images des choses qui posent l’existence de la chose aimée secondent l’effort de l’Âme par lequel elle s’efforce de l’imaginer, c’est-à-dire (Scolie de la Prop. 11) affectent l’Âme de Joie ; et, au contraire, les choses qui excluent l’existence de la chose aimée, réduisent cet effort de l’Âme, c’est-à-dire (même Scolie) affectent l’Âme de Tristesse. Qui donc imagine que ce qu’il aime est détruit, sera contristé, etc. C.Q.F.D. [*]
Qui id, quod amat, destrui imaginatur, contristabitur ; si contra autem conservari, lætabitur.
DEMONSTRATIO :
Mens quantum potest ea imaginari conatur quæ corporis agendi potentiam augent vel juvant (per propositionem 12 hujus) hoc est (per scholium propositionis 13 hujus) ea quæ amat. At imaginatio ab iis juvatur quæ rei existentiam ponunt et contra coercetur iis quæ rei existentiam secludunt (per propositionem 17 partis II) ; ergo rerum imagines quæ rei existentiam ponunt, mentis conatum quo rem amatam imaginari conatur, juvant hoc est (per scholium propositionis 11 hujus) lætitia mentem afficiunt et quæ contra rei amatæ existentiam secludunt, eundem mentis conatum coercent hoc est (per idem scholium) tristitia mentem afficiunt. Qui itaque id quod amat destrui imaginatur, contristabitur, etc. Q.E.D.
EIII - Proposition 21 ; EIII - Proposition 36 - corollaire ; EIII - Proposition 42 ; EIII - Définitions des affects - 12 ; EIII - Définitions des affects - 13.
[*] (Saisset :) Celui qui se représente la destruction de ce qu’il aime est saisi de tristesse ; s’il s’en représente la conservation, il éprouve de la joie. Démonstration L’âme s’efforce, autant qu’il est en elle, d’imaginer ce qui augmente ou favorise la puissance d’agir du corps (par la Propos. 12), en d’autres termes (par le Scol de la Propos. 13), ce qu’elle aime. Or, l’imagination est favorisée par tout ce qui implique l’existence de son objet, et empêchée par tout ce qui l’exclut (par la Propos. 17, part. 2) Donc, les images des choses qui impliquent l’existence de l’objet aimé favorisent l’effort de l’âme pour imaginer cet objet ; en d’autres termes (par le Scol. de la Propos. 11), elles réjouissent l’âme. Au contraire, les images des choses qui excluent l’existence de l’objet aimé empêchent cet effort de l’âme, c’est-à-dire (par le même Scol.) l’attristent. Par conséquent, celui qui se représente la destruction de ce qu’il aime sera saisi de tristesse, etc. C. Q. F. D.