Lettre 71 - Oldenburg à Spinoza (15 novembre 1675)
À Monsieur B. de Spinoza,
Henri Oldenburg.
Autant que je puis en juger par votre dernière lettre [1], l’édition du livre que vous destiniez au public [2], est en péril. Je ne puis qu’approuver votre décision d’éclaircir et d’adoucir les passages du Traité théologico-politique qui semblent pouvoir choquer les lecteurs. Ce sont, en premier lieu, à ce que je pense, ceux dans lesquels il est parlé de Dieu et de la nature en termes ambigus qui vous exposent au reproche, que beaucoup vous adressent, de confondre Dieu et la nature. De plus vous semblez ôter toute autorité et toute valeur aux miracles et cependant, suivant la conviction de presque tous les chrétiens, c’est sur eux seuls que peut reposer la certitude de la révélation divine. On dit encore que vous cachez votre opinion sur Jésus-Christ Rédempteur du monde, seul Médiateur entre Dieu et les hommes, sur son Incarnation et son Holocauste, et l’on demande que vous déclariez ouvertement votre pensée sur ces trois points. Si vous le faites et donnez satisfaction aux chrétiens sensés et raisonnables, je crois que vos affaires seront à l’abri du danger. J’ai tenu par cette courte lettre à vous le faire savoir, moi qui vous suis tout dévoué. Adieu.
Le 15 novembre 1675.
P.-S. - Faites, je vous prie, que je sache que ces lignes vous sont bien parvenues.