Traité politique, VIII, §46



Pour ce qui touche la religion, nous en avons traité assez copieusement dans le Traité Théologico-Politique. Nous avons cependant omis de mentionner certaines choses qui n’étaient pas de notre sujet : il faut que tous les patriciens professent la même religion, très simple et universelle, que nous avons exposée dans ce même traité [1]. On doit veiller en effet avant tout à ce que les patriciens ne se divisent pas en sectes, ce qui créerait parmi eux de la partialité en faveur tantôt des uns, tantôt des autres ; et ensuite à ce qu’ils ne cherchent pas, par attachement à une superstition, à ravir aux sujets la liberté de dire ce qu’ils pensent. En outre, bien que chacun soit libre de dire ce qu’il pense, il faut interdire les grandes réunions aux fidèles d’une autre religion ; on leur permettra de construire des temples autant qu’ils voudront, mais de petites dimensions, ne dépassant pas les limites fixées, et dans des lieux quelque peu éloignés les uns des autres. Pour les temples affectés à la religion de la patrie, il importe beaucoup qu’ils soient grands et fastueux, et de préférence qu’il soit permis aux seuls patriciens et sénateurs d’y célébrer les cérémonies du culte, et ainsi que, seuls, les patriciens puissent baptiser, consacrer des mariages, imposer les mains et d’une manière générale qu’ils soient reconnus les défenseurs et les interprètes de la religion de la patrie, et en quelque sorte les prêtres des temples. Pour la prédication toutefois, et l’administration des finances de l’église et des affaires courantes, quelques suppléants seront choisis par le Sénat dans la plèbe et devront lui rendre des comptes.


Traduction Saisset :

Pour ce qui est de la religion, nous nous en sommes expliqués avec assez d’étendue dans le Traité théologico-politique. Toutefois, nous avons omis quelques points qui ne trouvaient pas leur place en cet ouvrage. En voici un, par exemple : c’est que tous les patriciens doivent appartenir à la même religion, je veux dire à cette religion éminemment simple et catholique dont notre Traité pose les principes. Il faut prendre garde, en effet, sur toutes choses que les patriciens ne soient divisés en sectes, que les uns ne favorisent celle-ci, les autres celle-là, et que, subjugués par la superstition, ils ne s’efforcent de ravir aux sujets le droit de dire ce qu’ils pensent.

Un autre point considérable, c’est que, tout en laissant à chacun le droit de dire ce qu’il pense, il faut défendre les grandes réunions religieuses. Que les dissidents élèvent autant de temples qu’il leur conviendra, soit ; mais que ces temples soient petits, qu’ils ne dépassent pas une mesure déterminée et qu’ils soient assez éloignés les uns des autres. Au contraire, que les temples consacrés à la religion de la patrie soient grands et somptueux ; que les seuls patriciens et les sénateurs prennent part aux cérémonies essentielles du culte ; qu’à eux seuls, par conséquent, il appartienne de consacrer les mariages et d’imposer les mains ; qu’en un mot, ils soient seuls les prêtres du temple, les interprètes et les défenseurs de la religion de la patrie. Quant à ce qui touche la prédication, le trésor de l’Église et l’administration de ses affaires journalières, le Sénat choisira dans le peuple un certain nombre de vicaires qui devront en cette qualité lui rendre compte de toutes choses.


Ad religionem quae spectant, satis prolixe ostendimus in tract. theologico-politico. Quaedam tamen tum omisimus, de quibus ibi non erat agendi locus ; nempe quod omnes patricii eiusdem religionis, sumplicissimae scilicet et maxime catholicae, qualem in eodem tractatu descripsimus, esse debeant. Nam apprime cavendum est, ne ipsi patricii in sectas dividantur, et ne alii his, alii aliis plus faveant, et deinde, ne superstitione capti libertatem subditis dicendi ea, quae sentiunt, adimere studeant. Deinde quamvis unicuique libertas dicendi ea, quae sentit, danda est, magni tamen conventus prohibendi sunt. Atque adeo iis, qui alii religioni addicti sunt, concedendum quidem est, tot, quot velint, templa aedificare ; sed parva et certae cuiusdam mensurae, et in locis aliquantulum ab invicem dissitis. At templa, quae patriae religioni dicantur, multum refert, ut magna et sumptuosa sint, et ut praecipuo ipsius cultui solis patriciis vel senatoribus manus admovere liceat, atque adeo ut solis patriciis liceat baptizare, matrimonium consecrare, manus imponere, et absolute ut templorum veluti sacerdotes patriaeque religionis vindices et interpretes agnoscantur. Ad concionandum autem et ecclesiae aerario eiusque quotidianis negotiis administrandis aliqui ex plebe ab ipso senatu eligendi sunt, qui senatus quasi vicarii sint, cui propterea rationem omnium reddere teneantur.

[1Voyez Traité théologico-politique, chap. XIV (not. §9-10) et chap. XIX.