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J’entends par cause de soi ce dont l’essence enveloppe l’existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.
EI - Définition 2
EI - Définition 1
Une chose est dite finie en son genre quand elle peut être bornée par une autre chose de même nature. Par exemple, un corps est dit chose finie, parce que nous concevons toujours un corps plus grand ; de même, une pensée est bornée par une autre pensée ; mais le corps n’est pas borné par la pensée, ni la pensée par le corps.
EI - Définition 3
EI - Définition 2
J’entends par substance ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-à-dire ce dont le concept peut être formé sans avoir besoin du concept d’une autre chose.
EI - Définition 4
EI - Définition 3
J’entends par attribut ce que la raison conçoit dans la substance comme constituant son essence.
EI - Définition 5
EI - Définition 4
J’entends par mode les affections de la substance, ou ce qui est dans autre chose et est conçu par cette même chose.
EI - Définition 6
EI - Définition 5
J’entends par Dieu un être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. Explication
Je dis absolument infini, et non pas infini en son genre ; car toute chose qui est infinie seulement en son genre, on en peut nier une infinité d’attributs ; mais, quant à l’être absolument infini, tout ce qui exprime une essence et n’enveloppe aucune négation, appartient a son essence.
EI - Définition (...)
EI - Définition 6
Une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa nature et n’est déterminée à agir que par soi-même ; une chose est nécessaire ou plutôt contrainte quand elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi déterminée.
EI - Définition 8
EI - Définition 7
Par éternité, j’entends l’existence elle-même, en tant qu’elle est conçue comme résultant nécessairement de la seule définition de la chose éternelle. Explication
Une telle existence en effet, à titre de vérité éternelle, est conçue comme l’essence même de la chose que l’on considère, et par conséquent elle ne peut être expliquée par rapport à la durée ou au temps, bien que la durée se conçoive comme n’ayant ni commencement ni fin.
EI - Axiome (...)
EI - Définition 8
Tout ce qui est, est en soi ou en autre chose.
EI - Axiome 2
EI - Axiome 1
Une chose qui ne peut se concevoir par une autre doit être conçue par soi.
EI - Axiome 3
EI - Axiome 2
Étant donnée une cause déterminée, l’effet suit nécessairement ; et au contraire, si aucune cause déterminée n’est donnée, il est impossible que l’effet suive.
EI - Axiome 4
EI - Axiome 3
La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause, et elle l’enveloppe.
EI - Axiome 5
EI - Axiome 4
Les choses qui n’ont entre elles rien de commun ne peuvent se concevoir l’une par l’autre, ou en d’autres termes, le concept de l’une n’enveloppe pas le concept de l’autre.
EI - Axiome 6
EI - Axiome 5
Une idée vraie doit s’accorder avec son objet.
EI - Axiome 7
EI - Axiome 6
Quand une chose peut être conçue comme n’existant pas, son essence n’enveloppe pas l’existence.
EI - Proposition 1
EI - Axiome 7
La substance est antérieure en nature à ses affections. Démonstration
Cela est évident par les Déf. 3 et 5.
EI - Proposition 2
EI - Proposition 1
Entre deux substances qui ont des attributs divers, il n’y a rien de commun. Démonstration
Cela résulte aussi de la Déf. 3. Chacune de ces substances, en effet, doit être en soi et être conçue par soi ; en d’autres termes, le concept de l’une d’elles n’enveloppe pas celui de l’autre.
EI - Proposition 3
EI - Proposition 2
Si deux choses n’ont rien de commun, l’une d’elles ne peut être cause de l’autre. Démonstration
Et en effet, n’ayant rien de commun, elles ne peuvent être conçues l’une par l’autre (en vertu de l’Axiome 5), et par conséquent, l’une ne peut être cause de l’autre (en vertu de l’Axiome 4). C. Q. F. D.
EI - Proposition 4
EI - Proposition 3
Deux ou plusieurs choses distinctes ne peuvent se distinguer que par la diversité des attributs de leurs substances, ou par la diversité des affections de ces mêmes substances. Démonstration
Tout ce qui est, est en soi ou en autre chose (par l’Axiome 1) ; en d’autres termes (par les Déf. 3 et 5), rien n’est donné hors de l’entendement que les substances et leurs affections. Rien par conséquent n’est donné hors de l’entendement par quoi se puissent distinguer plusieurs choses, (...)
EI - Proposition 4
Il ne peut y avoir dans la nature des choses deux ou plusieurs substances de même nature, ou, en d’autres termes, de même attribut. Démonstration
S’il existait plusieurs substances distinctes, elles se distingueraient entre elles ou par la diversité de leurs attributs, ou par celle de leurs affections (en vertu de la Propos. précéd.). Si par la diversité de leurs attributs, un même attribut n’appartiendrait donc qu’à une seule substance ; si par la diversité de leurs (...)
EI - Proposition 5
Une substance ne peut être produite par une autre substance. Démonstration
Il ne peut se trouver dans la nature des choses deux substances de même attribut (par la Propos. précéd.), c’est-à-dire qui aient entre elles quelque chose de commun (par la Propos. 2). En conséquence (par la Propos. 3), l’une ne peut être cause de l’autre, ou l’une ne peut être produite par l’autre. C. Q. F. D.
EI - Proposition 6 - (...)
EI - Proposition 6
Il suit de là que la production d’une substance est chose absolument impossible ; car il n’y a rien dans la nature des choses que les substances et leurs affections (comme cela résulte de l’Axiome 1 et des Déf. 3 et 5). Or, une substance ne peut être produite par une autre substance (par la Propos. précéd.). Donc, elle ne peut absolument pas être produite. C. Q. F. D. Autre preuve
Cela se démontre plus aisément encore par l’absurde ; car, si une substance pouvait être (...)
EI - Proposition 6 - corollaire
L’existence appartient à la nature de la substance. Démonstration
La production de la substance est chose impossible (en vertu du Coroll. de la Propos. précéd.). La substance est donc cause de soi, et ainsi (par la Déf. 1) son essence enveloppe l’existence, ou bien l’existence appartient à sa nature. C. Q. F. D.
EI - Proposition 8
EI - Proposition 7
Toute substance est nécessairement infinie. Démonstration
Une substance qui possède un certain attribut est unique en son espèce (par la Propos. 5), et il est de sa nature d’exister (par la Propos. 7). Elle existera donc, finie ou infinie. Finie, cela est impossible ; car elle devrait alors (par la Déf. 2) être bornée par une autre substance de même nature, laquelle devrait aussi exister nécessairement (par la Propos. 7), et on aurait ainsi deux substances de même attribut, (...)
EI - Proposition 8
Le fini étant au fond la négation partielle de l’existence d’une nature donnée, et l’infini l’absolue affirmation de cette existence, il suit par conséquent de la seule Propos. 7 que toute substance doit être infinie.
EI - Proposition 8 - scolie 2
Je ne doute pas que pour ceux qui jugent avec confusion de toutes choses et ne sont pas accoutumés à les connaître par leurs premiers principes, il n’y ait de la difficulté à comprendre la démonstration de la Propos. 7, par cette raison surtout qu’ils ne distinguent pas entre les modifications des substances et les substances elles-mêmes, et ne savent pas comment s’opère la production des êtres. Et c’est pourquoi, voyant que les choses de la nature commencent d’exister ils s’imaginent qu’il en est de (...)
EI - Proposition 8 - scolie 2
Suivant qu’une chose a plus de réalité ou d’être, un plus grand nombre d’attributs lui appartient. Démonstration
Cela est évident par la Déf. 4.
EI - Proposition 10
EI - Proposition 9
Tout attribut d’une substance doit être conçu par soi. Démonstration
L’attribut, en effet, c’est ce que l’entendement perçoit dans la substance comme constituant son essence (suivant la Déf. 4). Il doit donc (par la Déf. 3) être conçu par soi. C. Q. F. D.
EI - Proposition 10 - scolie
On voit par là que deux attributs, quoiqu’ils soient conçus comme réellement distincts, c’est-à-dire l’un sans le secours de l’autre, ne constituent pas cependant deux êtres ou deux substances diverses. Il est en effet de la nature de la substance que chacun de ses attributs se conçoive par soi ; et tous cependant ont toujours été en elle, et l’un n’a pu être produit par l’autre ; mais chacun exprime la réalité ou l’être de la substance. Il s’en faut beaucoup, par conséquent, qu’il y ait de l’absurdité à (...)
Dieu, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle est infinie, existe nécessairement.
Démonstration
Si vous niez Dieu, concevez, s’il est possible, que Dieu n’existe pas. Son essence n’envelopperait donc pas l’existence (par l’Axiome 7). Mais cela est absurde (par la Propos. 7). Donc Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.
Autre Démonstration
Pour toute chose, on doit pouvoir assigner une cause ou raison qui explique pourquoi elle existe (...)
Dans cette dernière démonstration, j’ai voulu établir l’existence de Dieu a posteriori, afin de rendre la chose plus facilement concevable ; mais ce n’est pas à dire pour cela que l’existence de Dieu ne découle a priori du principe même qui a été posé. Car, puisque c’est une puissance que de pouvoir exister, il s’ensuit qu’à mesure qu’une réalité plus grande convient à la nature d’une chose, elle a de soi d’autant plus de force pour exister ; et par conséquent, l’Etre absolument infini ou Dieu a de soi une (...)
Or ne peut concevoir selon sa véritable nature aucun attribut de la substance duquel il résulte que la substance soit divisible.
Démonstration
Si vous supposez, en effet, la substance divisible, les parties que vous obtiendrez en la divisant retiendront ou non la nature de la substance. Dans le premier cas, chacune d’elles devra être infinie (par la Propos. 8), cause de soi (par la Propos. 6), et constituée par un attribut propre ; et par suite, d’une seule substance il pourra s’en former (...)
EI - Proposition 12
La substance absolument infinie est indivisible. Démonstration
Si elle était divisible, en effet, les parties qu’on obtiendrait en la divisant retiendraient ou non la nature de la substance absolument infinie. Dans le premier cas, on aurait plusieurs substances de même nature, ce qui est absurde (par la Propos. 5). Dans le second cas, la substance absolument infinie pourrait, comme on l’a vu plus haut, cesser d’être, ce qui est également absurde (par la Propos. 11).
EI (...)
EI - Proposition 13
Il suit de ces principes qu’aucune substance, et conséquemment aucune substance corporelle, n’est divisible en tant que substance.
EI - Proposition 13 - scolie
EI - Proposition 13 - corollaire
Que la substance soit indivisible, c’est ce que l’on comprendra plus simplement encore, par cela seul que la nature de la substance ne peut être connue que comme infinie, et qu’une partie de la substance ne signifie autre chose qu’une substance finie, ce qui implique évidemment contradiction (par la Propos. 8).
EI - Proposition 14
EI - Proposition 13 - scolie
Il ne peut exister et on ne peut concevoir aucune autre substance que Dieu. Démonstration
Dieu est l’être absolument infini duquel on ne peut exclure aucun attribut exprimant l’essence d’une substance (par la Déf. 6), et il existe nécessairement (par la Propos. 11). Si donc il existait une autre substance que Dieu, elle devrait se développer par quelqu’un des attributs de Dieu, et de cette façon, il y aurait deux substances de même attribut, ce qui est absurde (par (...)
EI - Proposition 14
Il suit de là très-clairement : 1° Que Dieu est unique, c’est-à-dire (par la Déf. 6) qu’il n’existe dans la nature des choses qu’une seule substance, et qu’elle est absolument infinie, comme vous l’avons déjà affirmé dans le Scolie de la Proposition 10.
EI - Proposition 14 - corollaire 2
EI - Proposition 14 - corollaire 1
Il s’ensuit : 2° Que la chose étendue et la chose pensante sont des attributs de Dieu, ou (par l’Axiome 1) des affections des attributs de Dieu.
EI - Proposition 15
EI - Proposition 14 - corollaire 2
Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut être, ni être conçu sans Dieu. Démonstration
Hors de Dieu (par la Propos. 14), il n’existe et on ne peut concevoir aucune substance, c’est-à-dire (par la Déf. 3) aucune chose qui existe en soi et se conçoive par soi. Or les modes (par la Déf. 5) ne peuvent être, ni être conçus sans la substance, et par conséquent ils ne peuvent être, ni être conçus que dans la seule nature divine. Mais si vous ôtez les substances et (...)
On se représente souvent Dieu comme formé, à l’image de l’homme, d’un corps et d’un esprit, et sujet, ainsi que l’homme, aux passions. Ce qui précède montre assez, sans doute, combien de telles pensées s’éloignent de la vraie connaissance de Dieu. Mais laissons cette sorte d’erreur ; car tous ceux qui ont un peu considéré la nature divine nient que Dieu soit corporel, et ils prouvent fort bien leur sentiment en disant que nous entendons par corps toute quantité qui a longueur, largeur et profondeur, et qui (...)
EI - Proposition 15 - scolie
De la nécessité de la nature divine doivent découler une infinité de choses infiniment modifiées, c’est-à-dire tout ce qui peut tomber sous une intelligence infinie. Démonstration
Cette proposition doit être évidente pour quiconque voudra seulement remarquer que de la définition d’une chose quelconque, l’entendement conclut un certain nombre de propriétés qui en découlent nécessairement, c’est-à-dire qui résultent de l’essence même de la chose ; et ces propriétés sont (...)
EI - Proposition 16
Il suit de là que Dieu est la cause efficiente de toutes les choses qui peuvent tomber sous une intelligence infinie.
EI - Proposition 16 - corollaire 2
EI - Proposition 16 - corollaire 1
Il en résulte, en second lieu, que Dieu est cause par soi, et non par accident.
EI - Proposition 16 - corollaire 3
EI - Proposition 16 - corollaire 2
Et, en troisième lieu, que Dieu est absolument cause première.
EI - Proposition 17
EI - Proposition 16 - corollaire 3
Dieu agit par les seules lois de la nature et sans être contraint par personne. Démonstration
C’est de la seule nécessité de la nature divine, ou, en d’autres termes, des seules lois de cette même nature, que résultent une infinité absolue des choses, comme nous l’avons montré dans la Propos. 16 ; et il a été établi en outre, dans la Propos. 15, que rien n’existe et ne peut être conçu sans Dieu, mais que tout est en Dieu ; par conséquent, il ne peut rien y avoir (...)
EI - Proposition 17
Il suit de là, premièrement, qu’il n’y a en Dieu, ou hors de Dieu, aucune autre cause qui l’excite à agir que la perfection de sa propre nature.
EI - Proposition 17 - corollaire 2
EI - Proposition 17 - corollaire 1
En second lieu, que Dieu seul est une cause libre ; Dieu seul en effet existe par la seule nécessité de sa nature (en vertu de la Propos. 11 et le Coroll. 1 de la Propos. 14), et agit par cette seule nécessité (en vertu de la Propos. Précéd.). Seul par conséquent, il est une cause libre.
EI - Proposition 17 - scolie
D’autres pensent que ce qui donne à Dieu le caractère de cause libre, c’est qu’il peut faire, à les en croire, que les choses qui découlent de sa nature, c’est-à-dire qui sont en son pouvoir, n’arrivent pas ou bien ne soient pas produites par lui ; mais cela revient à dire que Dieu peut faire que de la nature du triangle il ne résulte pas que ses trois angles égalent deux droits, ou que d’une cause donnée il ne s’ensuive aucun effet, ce qui est absurde. Bien plus, je ferai voir tout à l’heure, et sans le (...)
EI - Proposition 17 - scolie
Dieu est la cause immanente, et non transitive, de toutes choses. Démonstration
Tout ce qui est, est en Dieu et doit être conçu par son rapport à Dieu (en vertu de la Propos. 15), d’où il suit (par le Coroll. 1 de la Propos. 16) que Dieu est la cause des choses qui sont en lui ; voilà le premier point. De plus, si vous ôtez Dieu, il n’y a aucune substance (par la Propos. 14), c’est-à-dire (par la Déf. 3) aucune chose qui, hors de Dieu, existe en soi ; voilà le (...)
EI - Proposition 18
Dieu est éternel ; en d’autres termes, tous les attributs de Dieu sont éternels. Démonstration
Dieu en effet (par la Déf. 6) est une substance, laquelle (par la Propos. 11) existe nécessairement, c’est-à-dire (par la Propos. 7) à la nature de laquelle il appartient d’exister, ou ce qui est la même chose, dont l’existence découle de la seule définition ; Dieu est donc éternel (par la Déf. 8). De plus, que faut-il entendre par les attributs de Dieu ? ce qui exprime l’essence de la (...)
EI - Proposition 19
Cette proposition devient aussi très-clairement évidente à l’aide de la démonstration que j’ai donnée (Propos. 11) de l’existence de Dieu. Il résulte en effet de cette démonstration que l’existence de Dieu, comme son essence, est une vérité éternelle. Ajoutez que j’ai donné ailleurs (Principes de Descartes, I, Propos. 19) une autre preuve de l’éternité de Dieu, qu’il est inutile de répéter ici.
EI - Proposition (...)
EI - Proposition 19 - scolie
L’existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose. Démonstration
Dieu et tous ses attributs sont éternels (par la Prop. précédente) ; en d’autres termes (par la Déf. 8), chacun des attributs de Dieu exprime l’existence. Par conséquent, ces mêmes attributs qui (par la Déf. 4) expriment son essence éternelle expriment en même temps son éternelle existence ; en d’autres termes, ce qui constitue l’essence de Dieu constitue en même temps son existence, et par (...)
EI - Proposition 20
Il suit de là premièrement, que l’existence de Dieu, comme son essence, est une vérité éternelle.
EI - Proposition 20 - corollaire 2
EI - Proposition 20 - corollaire 1
Secondement, que l’immutabilité appartient à Dieu, autrement dit à tous les attributs de Dieu. Car s’ils changeaient sous le rapport de l’existence, ils devraient aussi (par la Propos. précédente) changer sous le rapport de l’essence, ou ce qui revient évidemment au même et ne peut se soutenir, de vrais ils deviendraient faux.
EI - Proposition (...)
Tout ce qui découle de la nature absolue d’un attribut de Dieu doit être éternel et infini, en d’autres termes, doit posséder par son rapport à cet attribut l’éternité et l’infinité.
Démonstration
Si vous niez qu’il en soit ainsi, concevez, autant que possible, dans un des attributs de Dieu, quelque chose qui découle de la nature absolue de cet attribut, et qui néanmoins soit finie et ne possède qu’une existence ou une durée déterminée : par exemple, dans l’attribut de la pensée, l’idée de Dieu. La pensée, (...)
EI - Proposition 21
Quand une chose découle de quelque attribut divin, en tant qu’il est affecté d’une certaine modification dont l’existence est par cet attribut même nécessaire et infinie, cette chose doit être aussi nécessaire et infinie dans son existence. Démonstration
Pour démontrer cette proposition, on procède de la même façon que pour la précédente.
EI - Proposition 23
Tout mode dont l’existence est nécessaire et infinie a dû nécessairement découler, soit de la nature absolue de quelque attribut de Dieu, soit de quelque attribut affecté d’une modification nécessaire et infinie.
Démonstration
Tout mode existe, non en soi, mais dans une autre chose, par laquelle il est nécessairement conçu (en vertu de la Déf. 5), c’est-à-dire (en vertu de la Propos. 15) qu’il existe en Dieu seul, et ne peut être conçu que par son rapport à Dieu. Si donc un mode est conçu comme (...)
EI - Proposition 23
L’essence des choses produites par Dieu n’enveloppe pas l’existence. Démonstration
Cela est évident par la Déf. 1. En effet, une chose, dont la nature (prise en soi) enveloppe l’existence, est cause de soi, et existe par la seule nécessité de sa nature.
EI - Proposition 24 - corollaire
EI - Proposition 24
Il suit de là que Dieu n’est pas seulement la cause par qui les choses commencent d’exister, mais celle aussi qui les fait persévérer dans l’existence, et (pour employer ici un terme scholastique) Dieu est la cause de l’être des choses (causa essendi). En effet, alors même que les choses existent, chaque fois que nous regardons à leur essence, nous voyons qu’elle n’enveloppe ni l’existence, ni la durée ; par conséquent, elle ne peut être cause ni de l’une ni de l’autre, mais (...)
EI - Proposition 24 - corollaire
Dieu n’est pas seulement la cause efficiente de l’existence des choses, mais aussi de leur essence. Démonstration
Si vous niez cela, Dieu n’est donc pas la cause de l’essence des choses ; par conséquent (en vertu de l’Axiome 4) l’essence des choses peut être conçue sans Dieu, ce qui est absurde (par la Propos. 15). Dieu est donc la cause de l’essence des choses.
EI - Proposition 25 - (...)
EI - Proposition 25
Cela résulte plus clairement encore de la Propos. 16, par laquelle, la nature divine étant donnée, l’essence des choses, aussi bien que leur existence, doit s’en conclure nécessairement, et pour le dire d’un seul mot, au sens où Dieu est appelé cause de soi, il doit être appelé cause de tout le reste, ce qui d’ailleurs va ressortir avec la dernière clarté du corollaire suivant.
EI - Proposition 25 - (...)
EI - Proposition 25 - scolie
Les choses particulières ne sont rien de plus que les affections des attributs de Dieu, c’est-à-dire les modes par lesquels les attributs de Dieu s’expriment d’une façon déterminée. Cela est évident par la Propos. 15 et la Déf. 5.
EI - Proposition 26
EI - Proposition 25 - corollaire
Toute chose, déterminée à telle ou telle action, y a nécessairement été déterminée par Dieu, et si Dieu ne détermine pas une chose à agir, elle ne peut s’y déterminer elle-même. Démonstration
Ce qui détermine les êtres à telle ou telle action est nécessairement une chose positive (cela est évident de soi-même) ; en conséquence, Dieu, par la nécessité de sa nature, est la cause efficiente de l’existence et de l’essence de cette chose (en vertu des Propos. 25 et 16) ; ce qui (...)
EI - Proposition 26
Une chose, qui est déterminée par Dieu à telle ou telle action, ne peut se rendre elle-même indéterminée. Démonstration
Cette proposition est évidente par l’axiome 3.
EI - Proposition 28
Tout objet individuel, toute chose, quelle qu’elle soit, qui est finie et a une existence déterminée, ne peut exister ni être déterminée à agir si elle n’est déterminée à l’existence et à l’action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée, et cette cause elle-même ne peut exister ni être déterminée à agir que par une cause nouvelle, finie comme les autres et déterminée comme elles à l’existence et a l’action ; et ainsi à l’infini.
Démonstration
Tout ce qui est déterminé à exister (...)
EI - Proposition 28
Comme il est nécessaire que certaines choses aient été produites immédiatement par Dieu, c’est à savoir celles qui découlent nécessairement de sa nature absolue, sans autre intermédiaire que ces premiers attributs, qui ne peuvent être ni être conçus sans Dieu ; il suit de là : premièrement, que Dieu est la cause absolument prochaine des choses qui sont immédiatement produites par lui ; absolument prochaine, dis-je, et non générique, comme on dit ; car les effets de Dieu ne (...)
Il n’y a rien de contingent dans la nature des êtres ; toutes choses au contraire sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à agir d’une manière donnée.
Démonstration
Tout ce qui est, est en Dieu (par la Propos. 15). Or Dieu ne peut être appelé chose contingente, puisqu’il existe non pas d’une façon contingente., mais nécessairement (par la Propos. 11). De même encore les modes de Dieu ont découlé de la nature divine, non pas d’une façon contingente, mais nécessairement (par la (...)
EI - Proposition 29
Avant d’aller plus loin, je veux expliquer ici ou plutôt faire remarquer ce qu’il faut entendre par Nature naturante et par Nature naturée. Car je suppose qu’on a suffisamment reconnu par ce qui précède, que par nature naturante, on doit entendre ce qui est en soi et est conçu par soi, ou bien les attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie, c’est-à-dire (par le Coroll. 1 de la Propos. 14 et le Coroll. 2 de la Propos. 17) Dieu, en tant qu’on le (...)
EI - Proposition 29 - scolie
Un entendement fini ou infini en acte doit comprendre les attributs de Dieu et les affections de Dieu, et rien de plus. Démonstration
Une idée vraie doit s’accorder avec son objet (par l’Axiome 6), c’est-à-dire évidemment que ce qui est contenu objectivement dans l’entendement doit exister dans la nature. Or, dans la nature (par le Coroll. 1 de la Propos. 14) il n’y a qu’une substance, savoir Dieu ; et il n’y a d’autres affections (par la Propos. 15) que celles qui (...)
EI - Proposition 30
L’entendement en acte, soit fini, soit infini, comme, par exemple, la volonté, le désir, l’amour, etc., se doivent rapporter à la nature naturée, et non à la naturante. Démonstration
Par entendement, en effet, nous ne désignons évidemment pas la pensée absolue, mais seulement un certain mode de penser, lequel mode diffère des autres, tels que le désir, l’amour, etc., et en conséquence doit être conçu par son rapport à la pensée absolue (en vertu de la Déf. 5) ; et ainsi (en (...)
EI - Proposition 31
Si je parle ici d’entendement en acte, ce n’est pas que j’accorde qu’il y ait aucun entendement en puissance ; mais désirant éviter toute confusion, je n’ai voulu parler que de la chose la plus claire qui se puisse percevoir, je veux dire l’acte même d’entendre, l’intellection. Nous ne pouvons en effet rien entendre qui ne nous donne de l’acte d’entendre, de l’intellection, une connaissance plus parfaite.
EI - Proposition (...)
EI - Proposition 31 - scolie
La volonté ne peut être appelée cause libre ; mais seulement cause nécessaire. Démonstration
La volonté n’est autre chose qu’un certain mode de penser, comme l’entendement. Par conséquent (en vertu de la Propos. 28) une volition quelconque ne peut exister ni être déterminée à l’action que par une autre cause, et celle-ci par une autre, et ainsi à l’infini.
Que si vous supposez la volonté infinie, elle doit toujours être déterminée à exister et à agir par Dieu, non sans (...)
EI - Proposition 32
Il résulte de là : 1° que Dieu n’agit pas en vertu d’une volonté libre.
EI - Proposition 32 - corollaire 2
EI - Proposition 32 - corollaire 1
Il en résulte : 2° que la volonté et l’entendement ont le même rapport à la nature de Dieu que le mouvement et le repos, et absolument parlant, que toutes les choses naturelles qui (par la Propos. 29)ont besoin, pour exister et pour agir d’une certaine façon, que Dieu les y détermine ; car la volonté, comme tout le reste, demande une cause qui la détermine à exister et à agir d’une manière donnée, et bien que, d’une volonté ou d’un entendement donnés, il résulte (...)
EI - Proposition 32 - corollaire 2
Les choses qui ont été produites par Dieu n’ont pu l’être d’une autre façon, ni dans un autre ordre. Démonstration
La nature de Dieu étant donnée, toute choses en découlent nécessairement (en vertu de la Propos. l6), et c’est par la nécessité de cette même nature qu’elles sont déterminées à exister et à agir de telle ou telle façon (par la Propos. 29). Si donc les choses pouvaient être autres qu’elles ne sont ou être déterminées à agir d’une autre façon, de telle sorte (...)
Puisqu’il est aussi clair que le jour, par ce que je viens de dire, qu’il n’y a absolument rien dans les choses qui les doive faire appeler contingentes, je veux expliquer ici en peu de mots ce qu’il faut entendre par un contingent ; mais il convient auparavant de définir le nécessaire et l’impossible. Une chose est dite nécessaire, soit sous le rapport de son essence, soit sous le rapport de sa cause. Car l’existence d’une chose résulte nécessairement, soit de son essence ou de sa définition, soit (...)
Il suit clairement de ce qui précède que les choses ont été produites par Dieu avec une haute perfection ; elles ont en effet résulté nécessairement de l’existence d’une nature souverainement parfaite. Et en parlant ainsi, nous n’imputons à Dieu aucune imperfection ; car c’est sa perfection même qui nous a forcés d’admettre cette doctrine. Soutient-on la doctrine contraire ? Il faut alors (comme je l’ai fait voir) aboutir à cette conséquence que Dieu n’est pas parfait, puisque, si l’on suppose les choses (...)
EI - Proposition 33 - scolie 2
La puissance de Dieu est l’essence même de Dieu. Démonstration
De la seule nécessité de l’essence divine, il résulte que Dieu est cause de soi (par la Propos. 11) et de toutes choses (par la Propos. 16 et son Coroll.). Donc, la puissance de Dieu, par laquelle toutes choses et lui-même existent et agissent, est l’essence même de Dieu. C. Q. F. D.
EI - Proposition (...)
EI - Proposition 34
Toute chose que nous concevons comme étant dans la puissance de Dieu existe nécessairement. Démonstration
Car toute chose qui est dans la puissance de Dieu doit (par la Propos. précéd.) être comprise dans son essence de telle façon qu’elle en résulte nécessairement. Il est donc nécessaire qu’elle existe. C. Q. F. D.
EI - Proposition 36
EI - Proposition 35
Rien n’existe qui de sa nature n’enveloppe quelque effet. Démonstration
Tout ce qui existe exprime la nature et l’essence de Dieu d’une façon déterminée (par le Coroll. de la Propos. 25), c’est-à-dire (par la Propos. 34) que tout ce qui existe exprime d’une façon déterminée la puissance de Dieu, laquelle est la cause de toutes choses. Donc (par la Propos. 16), tout ce qui existe enveloppe quelque effet.
EI - (...)
J’ai expliqué dans ce qu’on vient de lire la nature de Dieu et ses propriétés ; j’ai montré que Dieu existe nécessairement, qu’il est unique, qu’il existe et agit par la seule nécessité de sa nature, qu’il est la cause libre de toutes choses et de quelle façon, que toutes choses sont en lui et dépendent de lui, de telle sorte qu’elles ne peuvent être ni être conçues sans lui, enfin que tout a été prédéterminé par Dieu, non pas en vertu d’une volonté libre ou d’un absolu bon plaisir, mais en vertu de sa nature (...)
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Dernière mise à jour : mardi 31 janvier 2023