1. Les mondes

Un monde consiste en une enveloppe céleste entourant les astres, la terre et tous les phénomènes. Cette enveloppe découpée au sein de l’infini se termine en une zone rare ou dense, dont la dissolution amènera la ruine de tout ce qu’elle contient ; et elle est soit animée d’un mouvement circulaire, soit arrêtée dans le repos. La forme en est ronde, triangulaire ou quelconque. Tous ces cas sont également possibles en effet : car cela n’est contredit par aucun phénomène de notre monde, dans lequel on ne peut pas apercevoir d’extrémité.

(89) Il est aisé de comprendre qu’il y a une infinité de mondes tels que celui dont nous parlons, et qu’un monde de cette espèce peut se former soit au sein d’un monde, soit au sein d’un intermonde, mot qui nous sert à désigner un intervalle entre des mondes, cette formation d’un monde pouvant d’ailleurs avoir lieu même dans un espace en partie rempli, mais contenant beaucoup de vide, mais non pas, comme certains l’ont dit dans une vaste étendue de vide pur. La constitution d’un monde résulte de certains atomes appropriés qui ont afflué hors d’un monde ou d’un intermonde, ou bien hors de plusieurs mondes ou intermondes ; ces atomes, peu à peu, s’ajoutent les uns aux autres, s’organisent, vont même dans un autre lieu à l’occasion, reçoivent, jusqu’à l’achèvement du monde commencé, des courants d’atomes appropriés, et l’assemblage dure tant que ses fondements peuvent supporter les accroissements qui lui arrivent. (90) Car il ne suffit pas, pour produire un monde, qu’il se forme dans un lieu où un monde peut naître, c’est-à-dire, comme on prétend, dans le vide, un rassemblement d’atomes et un tourbillon - cet assemblage s’accroissant sous la seule loi de la nécessité, jusqu’à ce qu’il aille en heurter un autre. Cette opinion d’un de ceux qu’on appelle « physiciens » est en contradiction avec les phénomènes.

2. Les corps célestes.

Le soleil, la lune et les autres astres n’ont pas préexisté au monde où plus tard ils se seraient seulement trouvés compris : leur formation ne date que du commencement même du monde, et ils ont crû à la faveur d’apports et de tourbillons de certaines substances aux parties subtiles, de la nature du souffle ou de celle du feu ou de la nature de l’un et de l’autre : car c’est là ce que suggère la sensation. (91) Quant à la grandeur du soleil, de la lune et des autres astres, elle est relativement à nous, telle qu’elle nous paraît être ; en soi, elle est plus grande, ou un peu plus petite que la grandeur perçue, ou enfin égale à celle-ci : car il en est ainsi pour la grandeur des feux que nous apercevons à distance sur la terre, lorsque nous venons à confronter les apparences avec la sensation que ces feux vus de près produisent en nous. Toute objection sur ce point peut se résoudre aisément pourvu qu’on s’attache aux faits évidents, et c’est ce que j’ai montré dans mon traité De la nature.