VI. Autres sujets astronomiques.
1. Comètes.
Les comètes sont produites par des feux qui, de temps en temps, se forment et se nourrissent par un concours d’atomes appropriés en certains endroits du ciel. Elles peuvent encore être produites par un certain mouvement spécial que le ciel prend au-dessus de nous de telle sorte que des astres de ce genre font leur apparition. Peut-être aussi, à certaines époques et grâce à des circonstances favorables, ces astres eux-mêmes s’élancent-ils vers les lieux situés au-dessus de notre horizon, le ciel restant immobile. La disparition des comètes a lieu en vertu de causes opposées à celles de leur apparition.
2. Astres fixes.
(112) Il y a des astres qui tournent toujours dans la même place (c’est-à-dire sans changer de position par rapport aux autres astres fixes). Or cela peut avoir lieu non seulement parce que la région des étoiles fixes serait, ainsi que certains l’ont soutenu, immobile, pendant que le reste du monde et la terre même tourneraient en face d’elle ; mais encore parce que tous les astres de cette région seraient emportés par un tourbillon circulaire où ils seraient enveloppés, et d’où, par conséquent, ils ne sauraient sortir dans aucune direction pour circuler hors de leur région et isolément comme les astres non fixes. Il peut encore se faire que les étoiles fixes conservent entre elles les mêmes situations parce qu’en avançant pour en sortir dans une direction quelconque, elles ne trouveraient plus, pour s’alimenter, la matière combustible qu’il leur faut et qu’elles trouvent dans leur siège. Et cela peut encore s’accomplir de beaucoup d’autres manières, pourvu qu’on soit capable de faire des inférences conformes aux phénomènes.
3. Astres errants.
Il y a des astres dont la course est errante, s’il est vrai que leurs mouvements sont effectivement tels, et il y en a d’autres, qui tout en n’étant pas fixes, suivent du moins dans leur révolution une courbe régulière. (113) Or cela peut avoir lieu parce que les uns parmi les astres non fixes ont reçu, dès le commencement du monde, en vertu de nécessités naturelles, un mouvement circulaire tel qu’on le pouvait attendre d’un tourbillon astreint à décrire une courbe régulière, tandis que les autres ont été emportés par les tourbillons décrivant des courbes présentant certaines anomalies.
Il se peut encore que, si les astres non fixes sont portés par des courants d’air, les lieux où les uns se meuvent comportent des courants d’air qui exercent leur effort suivant une courbe régulière et fassent toujours avancer l’astre vers le même but, le faisant brûler ainsi sous nos yeux le long d’une courbe régulière, tandis que les lieux où se meuvent les autres astres non fixes comportent des courants d’air dont les efforts s’exercent suivant des courbes qui présentent certaines anomalies, de façon à produire les changements de route que nous observons. Assigner à ces faits une cause unique, alors que les phénomènes nous suggèrent plusieurs causes possibles, c’est une preuve de folie et une impertinence de la part des zélateurs d’une astronomie vaine, qui invoquent des causes vides de sens en faisant intervenir les dieux, au lieu de les laisser libres de toute fonction comme l’exige leur nature.
4. Retards de certains astres.
(114) Quant au fait que, parmi les astres non fixes, les uns sont laissés en arrière par les autres, il peut provenir de ce que quelques-uns d’entre eux sont emportés plus lentement que les autres, quoique suivant le même cercle ; il se peut aussi que les astres qui paraissent les plus lents aient à subir un mouvement contraire à leur mouvement principal, se trouvant repoussés par un tourbillon capable de produire cet effet ; il se peut enfin que parmi les astres non fixes, tous entraînés par le mouvement circulaire d’un même tourbillon, les uns, se mouvant plus loin du centre de la courbe décrite par ce tourbillon, parcourent une plus grande distance, tandis que les autres en parcourent une moindre étant plus rapprochés du centre. Donner du fait qui nous occupe une explication unique est bon à ceux qui veulent se faire passer aux yeux de la multitude pour des hommes prodigieux.
5. Etoiles filantes.
Les étoiles filantes peuvent provenir tantôt d’un frottement des nuages suivi d’une chute de feu là où le feu viendrait à se condenser en souffle, comme nous avons dit à propos des éclairs ; (115) tantôt d’un rassemblement d’atomes propres à produire le feu, rassemblement convenable à l’accomplissement de cet effet et suivi d’un mouvement du feu selon la direction même dans laquelle il a été lancé par les directions composées des atomes réunis ; tantôt enfin d’un rassemblement de vents sous la forme d’une nuée épaisse, celle-ci venant à s’embraser en conséquence d’une rotation, puis le feu brisant ce qui l’enveloppe et se portant vers le lieu où il est lancé par les impulsions qu’il a subies. Et il y a encore d’autres procédés susceptibles de nous faire parvenir à ce même résultat, sans qu’on recoure au mythe.
6. Prévisions.
Les signes annonciateurs du temps, qu’on tire du fait que certains animaux célestes ou constellations se lèvent en même temps que le soleil, n’ont lieu que par une coïncidence. Car les animaux célestes ne présentent rien en eux qui puisse déterminer la production du mauvais temps ; et d’autre part, il n’y a pas une nature divine qui s’occupe à observer les levers de ces animaux pour accomplir ensuite par sa puissance ce que ces signes annoncent. (116) Car il n’y a pas d’être animé quel qu’il soit, pour peu qu’il ait d’intelligence, qui tombe dans une folie assez grande pour se livrer à une pareille occupation ; bien moins encore, un être possédant la béatitude parfaite.
Rappelle-toi tout ce que je viens de te dire, Pythoclès. Par là en effet tu sortiras décidément de la mythologie et tu te rendras capable de saisir les autres choses du même genre que celles-ci. Toutefois, tu dis surtout te consacrer à méditer sur les principes des choses, sur l’infinité de l’univers et les questions de même ordre ; puis aussi sur les critères de la vérité et sur les affections, sans oublier le but en vue duquel nous avons étudié tout cela. Car ces vues d’ensemble te permettront de déterminer aisément les causes des faits particuliers. Mais ceux qui n’aimeront pas ces choses-là par-dessus tout, ceux-là ne comprendront jamais bien les questions dont il s’agit, et jamais ils n’acquerront ce qui est le but de l’étude qu’on en fait.