A propos des trois discours Sur la condition des grands :
Ces trois Discours ont été conservé par Nicole dans son traité de l’Éducation d’un prince (1670). Ils furent prononcés par Pascal vers 1660 probablement pour le fils aîné du duc de Luynes, afin de le mettre en garde contre les défauts auxquels la grandeur porte ceux qui y sont nés : la méconnaissance de soi qui leur fait croire que les biens dont ils jouissent leur étaient dus ; l’estime des avantages extérieurs qui leur fait mépriser les qualités d’esprit et de vertu ; le pouvoir de satisfaire toutes ses inclinations, qui les entraîne à toutes sortes d’excès. Concernant ces discours, Nicole observe : « Quoique après un si long temps il ne puisse pas dire que ce soient les propres paroles dont M. Pascal se servit alors, néanmoins tout ce qu’il disait faisait une impression si vive sur l’esprit, qu’il n’était pas possible de l’oublier. Et ainsi il peut assurer que ce sont au moins ses pensées et ses sentiments. »
Je vous veux faire connaître, Monsieur, votre condition véritable ; car c’est la chose du monde que les personnes de votre sorte ignorent le plus. Qu’est-ce, à votre avis, d’être grand seigneur ? C’est être maître de plusieurs objets de la concupiscence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et aux désirs de plusieurs. Ce sont ces besoins et ces désirs qui les attirent auprès de vous, et qui font qu’ils se soumettent à vous : sans cela ils ne vous regarderaient pas seulement ; mais ils (...)
Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dû ; car c’est une injustice visible : et cependant elle est fort commune à ceux de votre, condition, parce qu’ils en ignorent la nature
Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs ; car il y a des grandeurs d’établissement et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d’établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains (...)
Pour entrer dans la véritable connaissance de votre condition, considérez-la dans cette image :
Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s’était perdu ; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. D’abord il ne savait quel parti prendre ; mais il se résolu enfin de se prêter à sa bonne fortune. Il reçut tous les respects qu’on lui (...)
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Dernière mise à jour : mardi 31 janvier 2023