La Cigogne qui se pensait maîtresse
et que l’âne savait charlatan
Laissez moi vous conter, chers enfants, une petite histoire : elle se déroule il n’y a pas très longtemps de cela, dans ce que la république nomme le "lieu du savoir et de l’apprentissage" et qui n’est en fait qu’un lieu où elle vous enseigne comment bien penser, c’est à dire comme elle l’entend. Nous nous trouvons dans les couloirs d’un de ces établissements où cigognes et ânes se côtoient, les uns enseignants aux autres (bien entendu je ne me risquerais pas à définir qui tenait le rôle du maître et celui de l’élève. Il paraît même que le bonnet d’âne sied bien aux cigognes). Au bout de ce couloir, disais-je donc, s’avance une de ces cigognes, les lunettes de la connaissance sur le bout du nez, haute perchée sur les échasses qui lui tenaient lieu de jambe. Des ânes venaient à sa suite, elle leur débitait le verbiage propre, d’ordinaire, au clerc lorsqu’il se tient en compagnie de futures brebis sacrifiées à un charpentier déchu. A ce moment un âne la croisa. Ni lui, ni elle ne s’étaient vus. Ils se percutèrent et tombèrent au sol. La cigogne, se relevant, lui tint à peu près ce langage :
- Faites un peu attention où vous allez jeune homme.
- Je ne vous avais pas vue. Mais vous non plus, sinon vous m’auriez éviter. Vous aussi, vous devriez donc faire plus attention.
La cigogne devint rouge de colère : elle n’arrivait pas à imposer sa supériorité mais se faisant en plus rabaisser au même état que cet âne.
- Vous êtes insolent, jeune homme. Faîtes attention à vos paroles. Cela pourrait mal se finir pour vous. Sachez être plus respectueux à l’avenir.
- Madame, si vous désirez le respect, c’est que vous penser en savoir le sens, aussi vous êtes d’accord avec moi si je vous dis que le respect naît de l’interaction de deux êtres, mais aussi que, n’étant pas synonyme de la soumission, eh bien !, il concerne les deux agissants.
Aussi, je dois vous faire remarquer que je n’ai pas le moins du monde chercher à vous bousculer ; ainsi, ne m’ayant pas évité, ni ne vous ayant pas évité non plus, notre responsabilité est à part égale dans ce grief...
- vous me manquez de respect ! Le coupant la cigogne, sachez me voir à la hauteur du respect qui m’est dû.
- Et c’est ainsi que je le fais. Vous êtes animal, malgré vos apparats et votre suffisance. Dit calmement l’âne, et il ajouta : je suis animal aussi. En quoi serions-nous si différents ? Votre statut social, il n’en est rien : pour y arriver, vous avez tout aussi bien pu être honnête ou malhonnête. Dans le doute, je m’abstiens. Quand bien même, vous l’auriez fait honnêtement, cela n’est aucunement digne de respect, mais de louanges et d’applaudissements. Votre expérience ? Il en va de même : l’expérience ne rend pas nécessairement sage. Il semble clair qu’un être à sa naissance à beaucoup plus de chance d’être sage que le plus vieux des êtres. Songez-y un peu : la vie n’est faite que de choix qui, pour la plupart, ne sont pas manichéen. Il est admit que la sagesse consiste dans le fait de savoir faire le bon choix.
Quand bien même seriez-vous sage, ce dont je ne peux être sûr, vous n’auriez pas choisit de me reprochez ce manque de respect pour camoufler le fait que vous êtes autant coupable que moi dans cette action, vous n’auriez pas été hautaine et vous n’auriez pas pris le risque de subir un discours long et ennuyeux comme celui que je vous tient depuis tout à l’heure. Aussi, je ne vous respecte que parce que vous m’êtes semblable (puisque je me respecte, il va de soi que je vous respecte) par votre état qui est celui d’être vivant, je vous respecte donc autant qu’un ver de terre ou une larve, pas pour votre soi-disant sagesse, ni pour votre statut social.
Et je vous suggère d’en faire autant : mon statut d’élève ne me prive pas du respect qui m’est dû en tant qu’être vivant.
- Vous êtes bien impertinent pour un élève. Votre insolence ne vous mènera nulle part ! Dit la cigogne, exaspérée, en tournant les talons et en s’efforçant de poursuite son chemin
Alors qu’elle pouvait encore l’entendre, l’âne jugea bon d’ajouter :
" - C’est bien ce que je vois."
MORALE
Parlez à ceux qui parlent de respect mais n’en ont aucun ! Tout dessin ou tout discours, si long soit-il, que vous leur fassiez, soyez sûr d’une chose :
Chaque mot que vous prononcerez, entrera dans une oreille et sortira par l’autre, sans avoir imprégné en quelque endroit que ce soit.