Droits de l’homme et politique
« Mais ce serait entretenir encore une équivoque que d’affirmer : ici où nous sommes ces droits existent (…). De tels principes n’existent pas à la manière d’institutions positives, dont on peut inventorier les éléments de fait, même s’il est sûr qu’ils animent des institutions. Leur efficacité tient à l’adhésion qui leur est apportée, et cette adhésion est liée à une manière d’être en société, dont la simple conservation des avantages acquis ne fournit pas la mesure. Bref, les droits ne se dissocient pas de la conscience des droits (…).
Or, n’est-ce pas au nom de leurs droits que des ouvriers ou des employés contestent à une direction d’entreprise celui de les priver d’emploi, qu’ils s’enhardissent jusqu’à en assurer eux-mêmes la gestion (…), qu’ils se rebellent, ici et là, contre les conditions de travail qui leur sont faites, qu’ils exigent de nouvelles mesures pour leur sûreté ; n’est-ce pas au nom de leurs droits que des paysans (…) résistent à une expropriation jugée indispensable par le pouvoir d’État ; n’est-ce pas encore au nom de leurs droits que des femmes prétendent faire reconnaître leur condition à égalité avec celle des hommes (…) ? Ces droits divers ne s’affirment-ils pas en raison d’une conscience du droit, sans garantie objective, et, tout autant en référence à des principes publiquement reconnus qui se sont pour une part imprimés dans des lois et qu’il s’agit de mobilikser pour détruire les bornes légales auxquelles ils se heurtent ? Et, enfin, ne voit-on pas que sous la poussée de ces droits, la trame de la société politique ou tend à se modifier, ou apparaît de plus en plus comme modifiable ? »