Différence entre fascisme et totalitarisme

15 août 2003

J’ai essayé de dire plusieurs fois à quel point le fascisme et le totalitarisme n’étaient pas du tout la même chose. Ce que je vais vous dire peut vous paraître un peu mystique : le fascisme est typiquement un processus, ou une ligne de fuite, qui tourne immédiatement en ligne mortuaire : mort des autres et mort de soi-même. Tous les fascistes l’ont toujours dit : le fascisme implique fondamentalement, contrairement au totalitarisme, l’idée d’un mouvement perpétuel sans objet ni but. D’une certaine manière, on peut dire que « le mouvement perpétuel sans objet ni but » définit ce qu’est un processus. En effet, le processus c’est un mouvement qui n’a ni objet ni but, ou plus précisément, qui n’a qu’un seul objet : son propre accomplissement, c’est-à-dire l’émission des flux qui lui correspondent. Mais voilà qu’apparaît le fascisme lorsque ce mouvement sans but et sans objet devient mouvement de la pure destruction - étant entendu que l’on fera mourir les autres, et que sa propre mort couronnera celle des autres.
Ce que je dis là du fascisme peut donc vous paraître tout à fait mystique, mais en fait des analyses concrètes confirment très fort mes propos. Un des meilleurs livre sur le fascisme, que j’ai déjà cité, est celui de Arendt ; où elle propose une longue analyse de ces institutions, et montre assez que le fascisme ne peut vivre que par l’idée d’une espèce de mouvement qui se reproduit sans cesse, et qui s’accélère. Au point que, dans l’histoire du fascisme, plus la guerre risque d’être perdue pour les fascistes, plus se fait l’exaspération et l’accélération de la guerre, jusqu’au fameux dernier télégramme d’Hitler qui ordonne la destruction du peuple. Cela commencera par la destruction de la mort des autres, mais il est entendu que viendra l’heure de notre propre mort. Et bien cela, les discours de Goebbels le disent dès le début. Alors bien sûr, on peut toujours dire : « propagande (!) ». A ce moment là, ce qui m’intéresse ici c’est de savoir pourquoi la propagande était orientée dans ce sens, dès le début. Ce qui est complètement différent d’un régime totalitaire.
Revenons à une des raisons historiques importantes . Pourquoi les américains - encore une fois - et même l’Europe, n’ont-ils pas fait alliance avec le fascisme ? Ce n’est pas la moralité ni le souci de la liberté qui les a entraînés dans leur choix . Pourquoi ont-ils préféré s’allier à la Russie, et au régime stalinien ? Régime que l’on peut appeler : « régime totalitaire » mais certainement pas « régime de type fasciste ». C’est très différent. C’est évidemment parce que le fascisme n’existe que par cette exaspération du mouvement, et que cette « exaspération du mouvement » ne pouvait pas donner de garantie suffisante ; ce qui explique, il me semble, la méfiance à l’égard du fascisme au niveau des gouvernements et des Etats qui, pendant la guerre, ont fait l’Alliance. Il y a toujours un fascisme potentiel là où une ligne de fuite tourne en ligne de mort.

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