Ces luttes montrent comme toujours l’énorme puissance et l’immense difficulté qu’il y a à poser aujourd’hui le problème du changement dans les rapports de force, à l’intérieur d’un monde déjà constitué. Les luttes de Los Angeles sont des luttes dans lesquelles tout le malaise urbain, métropolitain, des franges « marginalisées » s’exprime sous les formes les plus intenses : par l’occupation du territoire, par le saccage de la richesse exposée dans cette vitrine du monde qu’est Los Angeles. Los Angeles, c’est Hollywood, c’est le centre des plus grandes industries de l’image mondiales, et par conséquent le plus grand centre de production de langages.

Le Chiapas, ce n’est plus une révolte bourgeoise et tiers-mondiste pour le développement capitaliste, c’est au contraire une révolte qui s’enracine dans la recherche d’une identité et d’un contre-pouvoir permanent face aux modèles de développement.

Les événements de 1995 à Paris, c’est une lutte qui s’organise de manière très ambiguë au début, mais dont la forme - le blocage des transports publics, dans la capitale et en province - dévient le moyen de constituer un nouvel espace public absolu, face à une mondialisation qui joue sur les contrastes pour mieux les neutraliser. C’est l’émergence d’une singularité qui est une demande de collectif. Il s’agit donc de trois épisodes de luttes qui portent en eux un moment de résistance contre la constitution d’un centre mondial de direction, contre la forme politique de la globalisation des marchés. Trois épisodes qui recèlent une petite clef, minuscule mais probablement fondamentale, la clef de l’autonomie et de l’indépendance des sujets à l’intérieur de la constitution de l’espace public. Ces trois luttes peuvent-elles, prises comme elles le sont dans leurs différences et dans leur absence de communication, constituer « la chose commune » des années 90, c’est-à-dire l’expérience limite, cruciale et paradigmatique d’un processus révolutionnaire à venir, d’une humanité à venir ? Je l’ignore.