Politique et philosophie de l’histoire

17 novembre 2012

La politique ne doit-elle pas renoncer à se fonder sur une philosophie de l’histoire, et, prenant le monde comme il est, quels que soient nos vœux, nos jugements ou nos rêves, définir ses fins et ses moyens d’après ce que les faits autorisent ? Mais on ne se passe pas de mise en perspective, nous sommes, que nous le voulions ou non, condamnés aux vœux, aux jugements de valeur, et même à la philosophie de l’histoire. On ne remarque pas assez que, après avoir démontré l’irrationalité de l’histoire, le sceptique abandonne brusquement ses scrupules de méthode quand il en vient aux conclusions pratiques. Il faut bien, pour régler l’action, considérer certains faits comme dominants et d’autres comme secondaires. Si réaliste qu’elle se veuille et si strictement fondée sur les faits, une politique sceptique est obligée de traiter au moins implicitement certains faits comme plus importants que d’autres et, dans cette mesure, elle renferme une philosophie de l’histoire honteuse, vécue plutôt que pensée, mais non moins efficace(...). Dans le fait, le scepticisme historique est toujours conservateur (…). Sous prétexte d’objectivité, il fige l’avenir, il retranche de l’histoire le changement et les volontés des hommes (...). Si nous voulons être vraiment dociles aux faits et pleinement réalistes, il nous faut rejeter tous les postulats, toute philosophie a priori de l’histoire, mais en particulier ce postulat du scepticisme que les hommes se conduisent toujours sottement, dominés par le passé et par les causes extérieures, ou menés par quelques habiles, qui les connaissent, à des fins ignorées d’eux. Il n’y aurait pas d’histoire si tout avait un sens et si le développement du monde n’était que la réalisation visible d’un plan rationnel ; mais il n’y aurait pas davantage d’histoire, - ni d’action, ni d’humanité -, si tout était absurde (...). Notre seul recours est dans une lecture du présent aussi complète et aussi fidèle que possible, qui n’en préjuge pas le sens, qui même reconnaisse le chaos et le non-sens là où ils se trouvent, mais qui ne refuse pas de discerner en lui une direction et une idée, là où elles se manifestent.

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