Accueil > Hyper-Spinoza > Hyper-Ethique de Spinoza > Quatrième Partie : "De la servitude humaine, ou de la force des affects" > EIV - Proposition 18 - scolie

EIV - Proposition 18 - scolie

9 juin 2004




Par ce petit nombre de propositions qu’on vient de lire, j’ai expliqué les causes de l’impuissance et de l’inconstance humaines, et je crois avoir fait comprendre pourquoi les hommes n’observent pas les préceptes de la raison. Il me reste à montrer la nature de ces préceptes, et à exposer quelles sont les passions qui sont conformes aux règles de la raison, et celles qui leur sont contraires. Mais avant de faire cette exposition avec la prolixité de la méthode géométrique, je dirai d’abord très brièvement en quoi consistent les commandements de la raison ; de cette façon, chacun comprendra ensuite plus aisément quelle est ma doctrine. La raison ne demande rien de contraire à la nature ; elle aussi demande à chaque homme de s’aimer soi-même, de chercher ce qui lui est utile véritablement, de désirer tout ce qui le conduit réellement à une perfection plus grande, enfin, de faire effort pour conserver son être autant qu’il est en lui. Et ce que je dis là est aussi nécessairement vrai qu’il est vrai que le tout est plus grand que sa partie (voyez Propos. 4. part. 3). Maintenant, la vertu ne consistant pour chacun en autre chose (par la Déf. 8) qu’a vivre selon les lois de sa nature propre, et personne ne s’efforçant de se conserver (par la Propos. 7, part. 3) que d’après les lois de sa nature, il suit de là : premièrement, que le fondement de la vertu, c’est cet effort même que fait l’homme pour conserver son être, et que le bonheur consiste à pouvoir le conserver en effet ; secondement, que la vertu doit être désirée pour elle-même, et non pour autre chose, car il n’en est pas de préférable pour nous, ou de plus utile ; troisièmement, enfin, que ceux qui se donnent à eux-mêmes la mort sont des impuissants, vaincus par des causes extérieures en désaccord avec leur nature. Il résulte, en outre, du Postulat 4 de la part. 2, qu’il nous est à jamais impossible de faire que nous n’ayons besoin d’aucune chose extérieure pour conserver notre être, et que nous puissions vivre sans aucun commerce avec les objets étrangers. Si même nous regardons attentivement notre âme nous verrons que notre entendement serait moins parfait si l’âme était isolée et ne comprenait rien que soi-même. Il y a donc hors de nous beaucoup de choses qui nous sont utiles, et par conséquent désirables. Entre ces choses, on n’en peut concevoir de meilleures que celles qui ont de la convenance avec notre nature. Car si deux individus de même nature viennent à se joindre, ils composent par leur union un individu deux fois plus puissant que chacun d’eux en particulier : c’est pourquoi rien n’est plus utile à l’homme que l’homme lui-même. Les hommes ne peuvent rien souhaiter de mieux, pour la conservation de leur être, que cet amour de tous en toutes choses, qui fait que toutes les âmes et tous les corps ne forment, pour ainsi dire, qu’une seule âme et un seul corps ; de telle façon que tous s’efforcent, autant qu’il est en eux, de conserver leur propre être et, en même temps, de chercher ce qui peut être utile à tous ; d’où il suit que les hommes que la raison gouverne, c’est-à-dire les hommes qui cherchent ce qui leur est utile, selon les conseils de la raison, ne désirent rien pour eux-mêmes qu’ils ne désirent également pour tous les autres, et sont, par conséquent, des hommes justes, probes et honnêtes. Voilà les commandements de la raison, que je m’étais proposé de faire connaître ici en peu de mots, avant de les exposer d’une manière plus étendue. Mon dessein était en cela de me concilier l’attention de ceux qui pensent que ce principe : chacun est tenu de chercher ce qui lui est utile, est un principe d’impiété, et non la base de la piété et de la vertu. Maintenant que j’ai rapidement montré que la chose n’est point comme ces personnes le supposent, je vais exposer ma doctrine suivant la même méthode que j’ai pratiquée jusqu’à ce moment.


Dans la même rubrique

30 mai 2004

EIV - Proposition 8

EII - Proposition 21 (et EII - Proposition 21 - scolie) ; EII - Proposition 22.
EIII - Proposition 7 ; EIII - Proposition 11 - scolie ; Ethique III - Définition générale des affects.
EIV - Définition 1 ; EIV - Définition 2.
La (…)

30 mai 2004

EIV - Proposition 9

EII - Proposition 16 - corollaire 2 ; EII - Proposition 17 (et EII - Proposition 17 - scolie).
Ethique III - Définition générale des affects.
La passion dont on imagine la cause comme présente est plus forte que si on imaginait cette même (…)

30 mai 2004

EIV - Proposition 9 - scolie

EIII - Proposition 18.
Quand j’ai dit plus haut, dans la Propos. 18, part. 3, que l’image d’une chose future ou passée nous affectait de la même manière que si cette chose était présente, j’ai expressément averti que cela n’était vrai qu’en (…)

30 mai 2004

EIV - Proposition 9 - corollaire

EIV - Proposition 9 - scolie
L’image d’une chose future ou passée, c’est-à-dire d’une chose qui est considérée par nous dans un certain rapport avec l’avenir ou le passé, à l’exclusion du présent, est plus faible, toutes choses égales (…)

3 juin 2004

EIV - Proposition 10

EIV - Proposition 9.
Nous sommes plus fortement affectés à l’égard d’une chose future que nous imaginons comme prochaine que si nous imaginions son existence comme éloignée du temps présent, et le souvenir d’une chose dont l’existence est (…)

3 juin 2004

EIV - Proposition 10 - scolie

EIV - Définition 6.
EIV - Proposition 10
Il suit de ce qu’on a remarqué après la Défin. 6, que quand des objets sont éloignés de nous par un intervalle de temps trop grand pour que notre imagination le puisse déterminer, bien que nous (…)

9 juin 2004

EIV - Proposition 11

EI - Proposition 33 - scolie 1.
EIV - Proposition 9.
Notre passion pour un objet que nous imaginons comme nécessaire est plus forte, toutes choses égales d’ailleurs, qu’elle ne serait pour un objet possible ou contingent, en d’autres (…)

9 juin 2004

EIV - Proposition 12

EIII - Proposition 18.
EIV - Définition 3 ; EIV - Définition 4.
Notre passion est plus forte, toutes choses égales d’ailleurs, pour un objet que nous savons ne pas exister présentement et que nous imaginons comme possible que pour un (…)

9 juin 2004

EIV - Proposition 12 - corollaire

EIV - Proposition 9 - corollaire ; EIV - Proposition 10 ; EIV - Proposition 12.
Notre passion pour une chose que nous savons ne pas exister présentement et que nous imaginons comme contingente est beaucoup plus faible que si nous imaginions (…)

9 juin 2004

EIV - Proposition 13

EII - Proposition 17 - corollaire ; EII - Proposition 18 (et EII - Proposition 18 - scolie).
EIV - Définition 3 ; EIV - Proposition 9.
Notre passion pour un objet contingent que nous savons ne pas exister présentement est plus faible, (…)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document