« Qu’est-ce précisément que le dehors dans la philosophie de Deleuze et comment ne pas voir s’absorber ce dehors sous l’attrait de la transcendance ? Comment encore concilier une philosophie du dehors avec son immanence radicale ? Qui dit immanence pourrait, en effet, laisser entendre intériorité. Or, la philosophie de Deleuze est tout sauf une philosophie de l’intériorité. L’immanence est l’enveloppement du dehors, le pli qui y plonge pour y induire des révulsions inséparables. Le dehors n’est que le dehors du pli, comme les couloirs d’un labyrinthe deviennent indiscernables de son plan horizontal. On n’éprouve jamais le labyrinthe depuis la verticalité d’un point séparé de lui. Le labyrinthe est l’épuisement d’un problème, et le dehors lui appartient en une parfaite immanence comme pour le cerveau dont les fentes synaptiques, les micro-coupures, seront inhérentes aux trajets de neurones. Le dehors occupe le cerveau sans que cela suppose une sortie possible de la boîte crânienne où se trament nos songes, nos légendes et nos images du monde les plus délirantes. Délirer est ainsi, à partir du dehors intracérébral, replier un ensemble de mondes possibles pour les réaliser dans la matière même de nos percepts, affects et concepts. » (Jean-Clet Martin et Arnauld Villani, « Problème », in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n°3, Printemps 2003, p. 293.)