Sur la morale

Les valeurs morales ont leur source dans le ressentiment

Expliquer le texte suivant :

«  [1]La révolte des esclaves [2] dans la morale commence lorsque le ressentiment [3] lui-même devient créateur et engendre des valeurs [4] : le ressentiment de ces êtres, à qui la réaction véritable, celle de l’action, est interdite, et que seule une vengeance imaginaire peut indemniser. [5]Alors que toute morale aristocratique [6] naît d’un oui triomphant adressé à soi-même, de prime abord la morale des esclaves dit non à un « dehors » et à un « autre », à un « différent-de-soi-même », et ce non est son acte créateur. Cette inversion du regard posant les valeurs - la nécessité qui pousse à se tourner vers le dehors plutôt que vers soi-même - cela relève justement du ressentiment : la morale des esclaves a toujours et avant tout besoin pour prendre naissance d’un monde hostile et extérieur, elle a physiologiquement parlant besoin d’excitations extérieures pour agir - son action est foncièrement une réaction [7]. [8]L’évaluation de type aristocratique procède à l’inverse : elle agit et croît spontanément [9], elle ne recherche son antithèse que pour se dire oui à elle-même avec plus de joie [10] et de reconnaissance encore, - son concept négatif de « bas », de « commun », de « mauvais », n’est qu’un tardif et pâle contraste au regard de son concept fondamental, concept positif, pénétré de vie et de passion, « nous les nobles, le bons, les beaux, les heureux ». »

[1Premier moment : la rancune et la rancœur (ressentiment) furent créatrices des valeurs morales.

[2les faibles, ceux qui sont incapables d’affirmer quelque chose de véritablement positif, de créer authentiquement. Il faut ici, comme à propos du terme maître, éviter tout contresens : de même que le maître n’est pas seulement celui qui détient le pouvoir, mais le créateur, l’esclave est celui chez qui l’élément négatif triomphe et l’emporte. Le maître, dans la philosophie de Nietzsche, se définit comme celui qui détient la puissance spirituelle. L’esclave, au contraire, est celui qui ne sait ni créer, ni donner, ni affirmer de manière vraiment positive.

[3sentiment de rancoeur, de rancune, d’amertume, ressenti à la vue des maîtres par ceux qui sont incapables de créer positivement.

[4le bien et le mal : valeurs en soi (Cf. La volonté bonne) et non relatives.

[5Deuxième moment : la morale des esclaves se borne à s’opposer à ce qui est autre qu’elle.

[6de aristos, le meilleur, et cratein, commander. Les aristocrates nietzschéens sont les meilleurs, les forts, les créateurs.

[7comportement provoqué par une action externe, action répondant à une autre action.

[8Au contraire des esclaves, les maîtres, les aristocrates, créent positivement des valeurs.

[9de soi-même, sans y être porté par autrui.

[10terme essentiel de la philosophie nietzschéenne. Le maître est joyeux, il éprouve un sentiment de totale satisfaction et de perfection, parce qu’il crée.

Friedrich NIETZSCHE, La généalogie de la morale, I, §10.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.