Sens (et concept)

23 février 2004
  • « Deleuze est le premier à avoir tenté de penser le sens, distinct du signifié, sans recourir à la transcendance du sujet ou de la conscience (par rapport au système du signifiant). Le sens deleuzien n’est pas le noème d’une conscience, une essence. Le sens deleuzien émerge du non-sens et n’a pas de « sens » (de signification supplémentaire). Il fait sens, il agence ou est agencé (dépend d’un agencement). Il faut donner toute sa signification (active, productive) au verbe faire. Le sens fait irruption, est produit comme un effet « effet de sens »), en rapport avec les failles irréductibles qui creusent les structures signifiantes. Le sens ne détenant aucune position de surplomb, totalisante, il n’est pas de l’ordre d’un méta-langage. Il n’est pas non plus, comme dans la dialectique, le terme d’une téléologie. Il est anti-dialectique. » (Philippe Mengue, « Logique du sens », in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. de Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n° 3, Printemps 2003, p. 231.)
  • « En définitive, ce qui traverse toute cette histoire du sens est l’idée que, dans les lacunes des discours cohérents, les failles des ensembles sociaux stratifiés, les fêlures des organismes bien formés, il passe toujours autre chose ; une autre pensée se dessine, une ligne de fuite se trace. Le sens comme événement tente de nommer et penser cette « fuite » active et créatrice, irréductible à l’histoire et à son pourrissement. Et tel est le grand mérite de cette notion deleuzienne, en tant qu’elle est identique à celle d’événement. Nous savons que la science et la logique modernes organisent la disparition du sens et que la politique dominante en est le plus souvent l’étouffement. Mais, Deleuze nous montre justement que le sens, en tant qu’il est la pensée de l’événement, resurgit, nécessairement et toujours. Car il coïncide avec l’invention propre à la vie, avec la libération de ce qui l’emprisonne, le traçage de la ligne de fuite, qui forment les buts pratiques et ultimes de la philosophie et de la littérature. Avec le sens, ou le concept, « il s’agit toujours de libérer la vie là où elle est prisonnière » (Qu’est-ce que la philosophie ?, 1991, p. 162 ; Critique et Clinique, 1993, p. 14). Le sens est donc arrimé à l’invention de nouvelles possibilités de vie (Critique et Clinique, 1993, p. 15), si bien que le dernier sens (du terme sens), le concept, retrouve, pour ne l’avoir jamais perdu, le sens nietzschéen. » (Philippe Mengue, « Logique du sens », in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. de Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n° 3, Printemps 2003, p. 239.)

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